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mercredi, mai 8, 2024

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L’utilisation du centre pivot pour l’irrigation – Expérience des Domaines Agricoles au Maroc

Discussion et conclusion

Quelle que soit l’échelle de travail considérée (région, ferme, parcelle,…), un projet d’irrigation, c’est d’abord un problème d’optimisation du choix du matériel, en vue d’une meilleure efficacité technique et économique globale. Pour fixer ce choix de façon objective, l’idéal, quand on dispose des compétences au sein de l’entreprise, serait de réaliser l’étude du projet soi même ou la faire faire à un bureau d’étude non motivé par une finalité commerciale.

L’étude est multicritères et fait appel à l’information sur la ressource en eau, sa qualité, son coût, sur le type de sol, de parcellaire, sa topographie, le type de culture, ses exigences, … L’étude peut conclure indifféremment en faveur soit d’un équipement exclusivement de pivots, d’aspersion, d’enrouleurs, de goutte à goutte, ou encore en faveur d’un projet mixte alliant à la fois tout ou partie de ces matériels.

C’est incontestable, le Maroc est un pays globalement aride où l’avenir est plutôt à l’irrigation localisée. Mais, il va sans dire qu’on ne peut tout reconvertir en goutte à goutte malgré les avantages de ce système. Sur le plan agricole, le Maroc est une véritable mosaïque, où chaque système d’irrigation justifie sa place.

En ce qui concerne le pivot, l’expérience accumulée sur le terrain, durant plus d’un quart de siècle, entre autres par les Domaines Agricoles, permet aujourd’hui de fournir beaucoup d’éléments objectifs en vue de mieux raisonner le choix et la gestion de ce système.

Considéré sous l’angle de l’efficience hydrique et agronomique, à l’évidence, un pivot doit être plutôt comparé à l’aspersion. Il consomme plus d’eau que le goutte à goutte. De ce fait, il semble mieux convenir aux régions où il y a un peu plus de ressources en eau (centre et nord du Maroc) qu’aux régions du sud, connues pour leurs disponibilités hydriques très limitées (Souss, Haouz, Tadla).

Traité sous l’angle de la flexibilité d’installation, du fait de sa structure métallique solidaire, le pivot est plutôt fait pour un parcellaire de configuration proche des formes géométriques usuelles (carré, rectangle, cercle,…), non traversé par des obstacles permanents tels que des ravins, pylônes électriques, pistes publiques,… Malgré les progrès réalisés par les fabricants autour de versions de base (pivot déplaçable, rampe frontale, canon avec fonctionnement intermittent,…), le système n’a pas la souplesse de l’équipement sur mesure qu’offre l’aspersion classique ou le goutte à goutte dans les terrains à contrainte irrémédiable.

Le choix d’un système d’irrigation doit aller de pair avec celui de la culture. Le pivot convient mieux aux grandes cultures, aux cultures fourragères, qu’au maraîchage et aux arbres fruitiers.

Vis-à-vis des exigences en main d’œuvre, le pivot garde une certaine supériorité même pour des espèces semées en ligne comme le maïs et la betterave. En grande culture, les rampes de goutte à goutte ne peuvent rester en place une fois pour toute comme en arboriculture. Elles doivent être réinstallées et retirées manuellement à l’occasion de chaque nouvelle culture, ce qui fait paradoxalement de l’irrigation localisée, un système qui valorise moins bien l’automatisme et augmente les charges en main d’œuvre que le pivot.

Aujourd’hui, avec les nouvelles générations de pivots, un seul opérateur suffit pour manier et surveiller à distance, un grand nombre d’appareils à la fois, pourvu que l’installation soit dotée de dispositifs de contrôle et de surveillance requis. Il peut à partir de son bureau, visualiser sur écran graphique, la position de l’appareil, son sens d’avancement, sa vitesse, la dose d’irrigation, la pression, la tension électrique, et estimer la durée approximative d’une rotation, en plus des autres options.

La préférence pour le pivot peut être parfois dictée par la qualité physique de l’eau. C’est le cas des eaux boueuses telles que l’eau du Sebou, ou à forte charge algale, telle que l’eau de surface des canaux de l’ORMVA du Loukkos où le pivot et l’aspersion d’une manière générale, sont beaucoup moins sensibles aux risques de bouchage que le goutte à goutte. En grande culture, c’est la solution pour un producteur, non disposé à investir dans la décantation, la filtration et le traitement de l’eau qu’exige le goutte à goutte dans ces circonstances.

Dans le Gharb, l’un des problèmes majeurs à la reconversion de l’irrigation gravitaire en goutte à goutte, sera de trouver une solution économique originale pour filtrer ces eaux boueuses. Les options sont nombreuses (décantation dans le barrage de garde actuel, par transit dans les fossés d’assainissement, décantation personnalisée,…) mais la région manque de recul sur le sujet et son expérience en matière de goutte à goutte avec les eaux de cette catégorie est encore fragmentaire.

Le recours au pivot est parfois la conséquence d’un comportement particulier du sol vis-à vis des outils de préparation. Le cas d’école est donné par les Dehs de Moghrane dans le Gharb, où à l’état sec, il est très difficile d’obtenir un lit de semence fin, en multipliant les passages d’outils de reprise. Irrigué au goutte à goutte, le maïs d’été donne sur ces terres de mauvais résultats de germination/levée, malgré le roulage,  faute de diffusion latérale suffisante de l’eau entre les mottes. Dans cette circonstance, en plus d’être un système d’irrigation, le pivot et l’aspersion d’une manière générale, est un outil pour affiner le lit de semence, en profitant de l’énergie cinétique de l’eau, sans oublier l’avantage de gain de temps, d’économie de carburant et de productivité meilleure.

En termes de coût d’investissement, seule l’aspersion déplaçable (réservée aux petits projets familiaux) est plus compétitive à l’égard d’une installation de pivot. Ce dernier est par contre beaucoup moins cher que le goutte à goutte ou l’aspersion intégrale, à la quelle il doit être objectivement comparée.

Vis à-vis de la consommation en énergie, comme pour les autres systèmes, c’est lorsque l’eau est pompée dans des aquifères profonds comme dans le Souss, ou élevée en escalier sur des hauteurs importantes comme à Louata, que le coût énergétique est le plus élevé. Ceci exige, pour mieux valoriser le m3 utilisé, le choix de cultures très rentables et moins consommatrices d’eau.

Enfin, un projet de pivots est en principe  réalisé pour durer. Il ne saurait être question de son démantèlement quelques années plus tard que si, entre temps, sont apparues sur le marché des produits agricoles plus rentables, non adaptés à l’irrigation par le pivot et justifiant ce brusque changement de décision (nouvelle variété d’agrumes, de rosacées,…).

Abstract

Introduced and monitored for 25 years (1980-2005) in farms of “Domaines’s agricoles farms” located in many regions of Morocco, the center pivot irrigation system has shown, in the Moroccan context, a lifetime of 10 to15 years depending on conditions in which it was used (quality of maintenance, accidents, corrosive effects of water quality sources, fertilizer injection,…). Their hydraulic and agronomic performances are, if not better, at least equivalent to that of conventional sprinkler irrigation. The productivity depend on cultivated crop and season (50 to 60qx/ha for wheat, 80 to120 qx/ha for corn and 50 to 70 t/ha for sugar beet). Under normal conditions where the choice among various types of equipment is possible, center pivot is more expensive (14,500 Dh/ha) than mobile sprinkler irrigation (9,000 Dh/ha), and much less expensive than the full sprinkler irrigation (40,000 Dh/ha) and drip irrigation (35,000 Dh/ha). The system is generally profitable, provided that the area watered by the center pivot exceeds a certain threshold (20-30 ha) and the cost of installation and pumping is not exorbitant.

Aït Houssa A (1), Bouslama A (2), Baraka M (3), El Midaoui M (1), Benbella M (1)

(1)Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès,
(2)ex Ingénieur stagiaire aux Domaines Agricoles,
(3)ex. Chef d’Atelier aux Domaines Agricoles

Activités du projet ConserveTerra

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