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jeudi, avril 25, 2024

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Le figuier: Un patrimoine génétique diversifié à exploiter

Acquis de l’INRA en matière de recherche-développement

Prospection et collecte des ressources génétiques locales

Le matériel végétal existant provient d’individus issus de semis et probablement introduit d’autres pays méditerranéen. Le mode de multiplication végétative, par bouturage et/ou marcottage, a facilité l’échange de matériel végétal entre les pays mais aussi entre les régions. Cet échange a souvent accompagné le flux des populations humaines et a engendré, en revanche des confusions dans les dénominations variétales.

Les premiers travaux de base effectués étaient des prospections dans les principales zones de culture en vue de collecter le matériel génétique local. Ils ont permis de collecter 75 clones qui ont été installés en collection au Domaine Expérimental d’Aïn Taoujdate. Leur évaluation a permis d’établir une base de données et d’identifier des clones présentant un intérêt certain pour le développement direct de l’espèce ou utilisés dans de futurs programmes de création variétale. Ce travail a permis aussi de préserver le matériel génétique local d’une véritable érosion amplifiée par la sécheresse et la concurrence avec d’autres cultures.

Élargissement des collections variétales

Augmenter le choix variétale suppose l’existence de collections permettant de disposer d’une variabilité génétique importante au niveau de l’espèce. C’est dans cet objectif que la collection des clones locaux à été élargie par l’introduction de 58 nouvelles variétés originaires de différents pays (Turquie, USA, Portugal, Espagne, France) pour étude de comportement. L’évaluation d’une tranche de ce matériel végétal étranger a contribué à élargir le choix variétal dans la gamme proposée mais aussi d’identifier des géniteurs potentiels. Ces collections englobent actuellement plus de 110 génotypes différents présentant une riche diversité génétique qui compte parmi les plus importantes du bassin méditerranéen.

Sélection du matériel végétal performant
Pour la production de figues fleurs

L’évaluation du germoplasme en collection a permis d’identifier 31 génotypes bifères (21 clones locaux et 10 variétés étrangères). Leur évaluation pomologique, effectuée selon les descripteurs européens, a montré que la période de maturité est concentrée au mois de juin et le calibre des fruits a varié, selon les génotypes, de 30 g (M’hadaq et Mendar) à 97 g (Embar Lakhal). Les couleurs dominantes de l’épiderme sont le vert et le violet alors que la chair est à dominance ambre. Les sycones ont tendance à former des ostioles larges. Ces différences au niveau des paramètres pomologiques traduisent l’existence d’une variabilité génétique importante au niveau de cette collection qui est par ailleurs riche par les qualités gustatives des fruits.

L’expression de la fertilité, à la faveur des figues fleurs, dépend des génotypes et semble être liée à l’âge des arbres. Les figues fleurs produites par les différentes variétés ont une durée de croissance du fruit et une date de maturité différente. Cette particularité peut être mise à profit pour allonger la période de récolte pour un approvisionnement étalé du marché. La période de maturité, relativement groupée au niveau variétal, a été liée à l’allongement annuel de la pousse et au rythme de sa croissance. Ce dernier reste fortement influencé par l’alimentation hydrique des arbres. La taille pourrait constituer aussi une opération culturale pour orienter certaines variétés à produire davantage un seul type de production.

Les variétés et clones expérimentés peuvent être classés, sur la base de la couleur de leurs fruits, en jaune, vert, noire, et vert avec des secteurs violets. La couleur de l’épiderme est un caractère qui semble être influencé par les conditions environnementales. L’exemple du génotype Fassi illustre cette influence, puisque les fruits qu’il avait donné dans la région de Chaouen-Taounate sont de couleur violet-noire alors que dans les conditions de Meknès ils ont été vert-violets. Cette variation phénotypique est très fréquente au niveau caractéristique du fruit.

Les génotypes particulièrement distingués pour leurs caractères pomologiques et proposés pour la culture des figues fleurs sont Noukali, Bousbati, Ournakssi, Fassi, Embar Elkhal, Abakor Blanca, Verdale, Kadota et Khelima.

Pour la production de figues d’automne sèches

La collection de figuier comprend 75 génotypes unifères (45 clones locaux, et de 30 variétés étrangères). Sa caractérisation pomologique et moléculaire a permis de construire aussi une base de donnée pour ce germplasme. Les génotypes présentant un intérêt commercial pour la culture de figues sèches sont essentiellement Embar Lebiad, Embar Lekhal, Fassi, Elquoti, Ferzaoui, Bousbati, Sebti, Reggoudi, Nabout, Hafer Elbghal, Aounk Elhmam et Azougar.

La caractérisation pomologique des variétés étrangères a montré également l’existence d’une grande diversité dans les caractéristiques pomologiques. Une variabilité phénotypique importante est ressortie au niveau de l’aspect général du fruit, de son calibre et de son époque de maturité. Cette dernière s’est étalée du mois de juillet au mois de septembre. Les fruits ont été de forme sphérique à tubriniforme avec un poids moyen qui a varié entre 18 et 60 g. Sa cavité a présenté un ostiole à ouverture importante sans corrélation avec le calibre.

Les qualités gustatives ont été variables selon les variétés. Plusieurs génotypes sont prometteurs et présentent un intérêt pour la culture de figues sèches. Les variétés étrangères qui se sont avérées intéressantes pour le séchage et qui seraient mieux adaptées à la culture en conditions marocaines sont Kadota, Cuello Dama Blanca, Troiano, Lerida, et Tarlit.

Pour la caprification

Le figuier est une espèce dioïque avec un arbre male (caprifiguier) et un arbre femelle (figuier commun) qui porte des figues différentes par leur fonction. Le premier assure la fourniture du pollen et l’accomplissement du cycle de l’insecte pollinisateur. Le deuxième assure la production des figues comestibles. Ces dernières peuvent être des figues fleurs qui se développent par parthénocarpie (sans pollinisation) ou des figues d’automne qui nécessitent généralement la pollinisation pour arriver à maturité. Pour être pollinisées, ces figues doivent recevoir la visite du blastophage (Blastophaga psenes).

Cet insecte, dont la femelle adulte quitte les mammes (figue du caprifiguier) chargée de pollen et fécondée, à la recherche d’une figue réceptive pour déposer ses œufs, vit en symbiose avec le figuier. L’objectif de l’insecte ne sera atteint que si elle tombe sur une figue femelle d’un caprifiguier. La réceptivité des figues des deux types d’arbres est décalée de manière à ce que les envols précoces assurent la pollinisation et ceux tardifs la ponte. Seules les figues pollinisées se prêtent au séchage d’où l’intérêt de la caprification. Cette dernière peut être accomplie naturellement si les caprifiguiers sont plantés aux alentours des arbres femelles ou en accrochant des mammes sur ces derniers. D’où l’intérêt de sélectionner des caprifiguiers performants.

L’évaluation 7 types de caprifiguier en collection a fait ressortir des différences au niveau de leurs stades phénologiques avec une initiation des mammes, plus ou moins étalée dans le temps. Cet étalement présente un intérêt dans l’accomplissement du cycle du développement du blastophage et donc pour la caprification des variétés femelles. L’initiation des mammes débute au mois de juin avec une importance variable selon les génotypes. Il précède d’un mois les dates de maturités des variétés femelles. La richesse en mammes est nulle pour le clone Ouzidane et elle est faible pour Titent Scourt, Amellal et Amezine.

Les mammes sont abondantes sur les arbres des génotypes Dokkar Tardif et Frond d’Oued n°3 qui portent en moyenne 4 mammes par unité de croissance. A l’échelle des arbres du clone Dokkar Tardif, cette richesse est encore plus importante car les unités de croissance sont nombreuses. Ce caractère donne une idée sur la disponibilité potentielle en fleurs pouvant héberger les blastophages. La sortie de ces deniers n’est compromise par la taille réduite de l’ostiole que chez le génotype Chellah. L’examen de l’intérieur des mammes a montré une importante colonisation des ovaires par les larves de blastophages. La présence de mammes avortés est très rare, ce qui constitue un indicateur de la concordance entre le développement de ces organes et le vol de l’insecte.

Les figues réceptives sont pollinisées par les blastophages qui ont quitté les profichis. Les femelles de cet insecte qui émergent tardivement (en juillet août) cherchent alors une figue réceptive du caprifiguier pour pondre leurs oeufs. Les génotypes tardifs Madel et Dokkar Tardif offrent une possibilité adéquate à ces insectes pour l’accomplissement de leur cycle. Le développement de leurs larves ne s’achève pas et passent l’hiver jusqu’au cycle suivant. A leur sortie printanière, les sycones du clone précoce Chellah n°4 constituent une héberge importante au blastophage. La complémentarité dans les caractéristiques de fructification des arbres de ces génotypes apparaît donner une certaine plasticité au cycle de vie du pollinisateur et il serait donc important d’associer, dans le même verger, plusieurs caprifiguiers.

Discrimination variétale

Certains génotypes prospectés (Rhoudane, Chaâri, Ournakssi, Hamra et Bioudi) portent la même dénomination bien que leurs caractéristiques pomologiques soient différentes. Cette confusion dans la dénomination variétale est liée à l’effet du milieu sur les caractéristiques pomologiques des fruits (variation phénotypique). Le facteur humain, notamment son niveau modeste de technicité, pendant l’échange et la reproduction du matériel végétal, peut être à l’origine des confusions constatées.

Les ressemblances morphologiques et les inter-connections génétiques connues chez cette espèce ont influencé également la pression humaine de sélection exercée sur les individus issus de semis distingués par le terme local Nabout. Ces problèmes de discrimination variétale ont été contournés par l’utilisation des approches morphologique et moléculaire (RAPD, AFLP, ISSR, Microsatellites). Elle a en effet permis de faire une discrimination entre les différentes accessions portant la même dénomination au niveau de la collection et de révéler leurs similitudes et leurs différences de caractères. Une collection nationale de référence est donc établie.

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