La naissance de l’agriculture biologique au Maroc
D’après le témoignage de certains opérateurs, les premières productions biologiques au Maroc remontent à 1986. Elles ont porté au début sur la culture de l’olivier à Marrakech et celle des agrumes dans la région de Ben Slimane. Cette dernière tentative avait apparemment échoué alors que celle de Marrakech avait bien réussi et du coup a été étendue à d’autres spéculations. L’objectif de ces premières productions, comme d’ailleurs celui de toutes les autres qui vont suivre, est l’exportation sur le marché européen. Celle-ci n’a réellement démarré qu’en 1990, elle a commencé par les agrumes avant d’être étendue aux cultures maraîchères, puis aux plantes médicinales, aromatiques et à d’autres produits exotiques.
De Marrakech, lieu de naissance de l’AB au Maroc, le mouvement a rapidement gagné d’autres régions du royaume. Il s’est d’abord propagé vers le sud, plus exactement vers Agadir où les maraîchers de la région ont exporté les premières tomates biologiques en 1992. Plus tard, la même expérience a été lancée dans la région d’El Jadida. A partir de 1998, la gamme des produits maraîchers destinés à l’exportation comportait déjà une dizaine de légumes auxquels est venu s’ajouter d’autres produits comme l’huile d’olive et les plantes médicinales.
Entre 1990 et 1994, les horticulteurs étaient particulièrement actifs dans le développement du secteur bio au Maroc, à en juger par la rapide extension des superficies qu’ils avaient affectés à la production de fruits et légumes et qui est passée de quelques hectares en 1990 à plus de 300 ha en 1999. A partir de 1998, une autre catégorie d’opérateurs est apparue sur le terrain, il s’agit des commerciaux et des coopératives de paysans du monde rural qui, à titre privé ou avec l’aide de certaines ONG, avaient lancé des opérations de commercialisation des produits biologiques ramassés dans les forêts. Depuis lors, de vastes étendues dans les forêts d’arganier et de celles du Moyen Atlas ont été soumises à la certification réglementaire et font actuellement l’objet d’une exploitation commerciale.
Sur le plan social, l’avènement de l’Agriculture Biologique au Maroc a suscité également l’intérêt de plusieurs autres composantes de la société civile. En effet, en plus des producteurs et des commerciaux, des scientifiques, des journalistes et des industriels se sont également attelés, chacun dans son domaine, à promouvoir les valeurs écologiques, sanitaires et commerciales de ce mouvement. Cette mouvance a culminé récemment par la création de deux organisations non-gouvernementales qui regroupent les amateurs et les professionnels du secteur.
Diversité des produits biologiques au Maroc
Deux types de produits biologiques sont actuellement disponibles au Maroc: les produits des plantes sauvages et les produits des plantes cultivées. Les espèces concernées pour ces deux types de productions sont présentées dans le tableau 1, voir fichier PDF.
Superficies et régions de production
D’après notre enquête, la superficie totale exploitée pour les deux types de productions citées ci-dessus est estimée à environ 12.300 ha. La répartition en fonction des espèces est présentée dans le tableau 2, voir fichier PDF.
Huit régions principales sont concernées par la production biologique. Les plantations cultivées sont localisées à Rabat, Azzemour, Fès, Taza, Béni Mellal, Marrakech, Agadir et Taroudant. Les plantes médicinales et aromatiques se retrouvent au niveau de presque toutes les régions, avec cependant une spécificité de la région de Marrakech pour la verveine, Taroudant (Taliouine) pour le safran et Fès pour le câprier. La vallée de Souss-Massa ressort comme la principale région maraîchère, en raison de son climat subtropical propice pour les productions hors-saison. Certaines régions côtières (Azemmour et Rabat) sont également qualifiées pour ce genre de production.
Les productions fruitières émanent de deux régions essentielles: Marrakech et Agadir. Les autres régions fruitières du royaume telles que Meknès, Azrou, Midelt et Errachidia sont encore exclues du paysage agro-biologique actuel. Ces régions présentent cependant un potentiel énorme qui reste à être exploité.
Importance économique et commerciale
Sur le plan économique et commercial, le marché mondial du bio représente actuellement 20 Milliard de dollars. Celui de l’Europe est estimé à 6 Milliard de dollars. Les récentes études de l’IFOAM (Fédération Internationale de l’Agriculture Biologique) ont démontré que la progression de ce marché est de 10 à 20% par an. En plus, les produits bio sont vendus 20 à 30% plus chers que les produits conventionnels. En Europe et dans certains pays américains, il n’y a pas que la ménagère habituelle qui s’intéresse aux aliments bio mais aussi les firmes multinationales, telles que Swiss Air, MacDonald, Lufthansa, Danone, et NESTLE. L’entrée de ces grandes compagnies dans ce marché promet, d’après certains experts de l’IFOAM non seulement un « boom » dans le secteur mais une sorte de « Big Bang ».
La progression que connaît le marché du bio à l’échelle mondiale et l’importance des prix offerts par rapport au conventionnel offrent, d’après les études de la FAO, de grandes opportunités d’export pour les pays en voie de développement, en particulier pour certains produits comme les fruits tropicaux et subtropicaux, les produits d’hors-saison et les produits exotiques et médicinaux. Plusieurs pays en voie de développement ont, depuis plusieurs années, entamé l’exportation de certains produits agricoles bio sur les marchés européens et américains à des prix très intéressants. Certains pays africains, comme le Cameroun, le Sénégal et le Mozambique exportent le café, le coton et les fruits tropicaux (banane, avocat, ananas etc.). D’autres sont spécialisés dans deux ou trois produits comme la Tunisie qui exporte essentiellement l’huile d’olive, les dattes et le jojoba. Quant à l’Egypte, elle a non seulement développé l’export sur l’Europe et les Etats Unis mais aussi son propre marché qui absorbe actuellement 40% de la production nationale.
Au Maroc, bien que les exportations sur les marchés européens ont commencé dès 1990, elles restent encore très faibles en comparaison avec ses potentialités. En 1999 les exportations de fruits et légumes ont été de l’ordre de 2100 tonnes, celles des huiles d’argan environ 10.000 litres et celles des plantes médicinales 600 tonnes. L’évolution des exportations pendant les 5 dernières années est présentée dans la figure 1, voir fichier PDF. Pour l’an 2001, et d’après les enquêtes menées auprès des producteurs de la région de Souss-massa, les exportations atteindront 2000 tonnes pour les produits maraîchers, ce qui va constituer une augmentation de plus de 300% par rapport à 1999.