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dimanche, décembre 8, 2024

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Les Agrumes, le maraîchage et le froid hivernal

Dégâts de Froid sur Agrumes dans le Souss en 2005

Introduction

La région du Souss est la première région de production d’agrumes au Maroc avec une superficie de 28 000 ha et une production annuelle avoisinant les 600 000 tonnes. C’est la région de production d’agrumes la plus au Sud du pays, caractérisée par un climat semi aride avec des températures hivernales relativement froides (0 à -2 °C en janvier), et des températures estivales relativement élevées (38 à 40 °C en août). L’air est relativement sec avec des vents chauds et desséchants (appelés Chergui) pouvant souffler à n’importe quelle époque de l’année. Les pluies sont rares avec une quantité moyenne de 200-220 mm/ an, concentrée sur un nombre de jours très restreint.

La latitude de la région (environ 30° Nord) et la proximité de l’océan font que le Souss est à l’abri de refroidissements d’air pouvant causer des gelées aux cultures en général et aux agrumes en particulier. En effet, la croissance des arbres d’agrumes s’arrête dès que la température du milieu environnant descend au dessous de 12 °C; cependant, les arbres tolèrent des températures basses pouvant aller jusqu’à -3 °C ou même inférieures selon l’organe, la variété, le porte greffe, les soins apportés au verger etc.

Quelle est la cause des dégâts observés en janvier 2005 ?

Après l’effet négatif des fortes chaleurs d’été-automne 2004 sur le développement des arbres et des fruits, les effets du criquet qui a envahit la région en octobre, et l’effet du manque des pluies et d’eau en quantité suffisante pour subvenir aux besoins des arbres, le froid hivernal a eu un effet néfaste sur le verger dont l’impact ne peut-être connu avec précision qu’après quelques mois, une fois que l’arbre aura produit les pousses végétative et florales et la charge en fruits connue.

D’après les données climatiques disponibles, un froid pareil n’a jamais été vécu dans la région et les dégâts occasionnés ne se sont jamais produits avant; donc, un phénomène rare dans la région et même dans tout le Maroc mais plus fréquent dans d’autres régions agrumicoles du globe telles que la Floride, la Californie, le Japon, l’Espagne et la Turquie.

Dans le Souss, ainsi que dans la plupart des régions agrumicoles marocaines, le mois de janvier 2005 a été relativement sec avec un temps calme sous un ciel clair. Par conséquent, les conditions sont propices pour que le sol et le couvert végétal perdent de l’énergie la nuit plus qu’ils n’en emmagasinent le jour. Par ailleurs, les températures enregistrées dans les régions agrumicoles du Souss en janvier ont oscillé entre 14 et 29 °C pour les maxima et 10 à -6 °C pour les minima. La température minimale de -4 à -6 °C a été enregistrée la nuit du 28 au 29 du mois de janvier mais on ignore sa durée. La veille, le maximum était de 14 à 18 °C et le minimum de 3 à 6 °C. C’est la température de la nuit du 28 au 29 qui a été à l’origine des dégâts de gel observés sur le feuillage des arbres, les fleurs, les fruits ainsi que les rameaux.

Ce froid n’a pas eu d’effet sur les plants de pépinière là où la production de plants se fait sous abris. Par contre, en verger, les dégâts ont été très variables d’une espèce (ou même variété) à une autre, d’un endroit du même verger à un autre et même entre expositions au sein du même arbre (Fig. 1) (voir fichier PDF). En général, là où les dégâts ont été les plus significatifs, le feuillage des arbres prend une couleur verte bronzée à brune par endroits ou sur toute la surface et un aspect terne. Les feuilles gelées se referment sur elles mêmes, se dessèchent et commencent à tomber 2 à 3 semaines après, sous l’effet du vent.

Les citronniers ont été les plus sensibles avec une destruction presque de la totalité du feuillage parfois. Dans le groupe des clémentinier, la ‘Nour’ (originaire de zone à climat chaud, le Souss) a été la plus sensible et la ‘Nules’ (originaire de zone à climat froid, la région de Valence en Espagne) parait être la plus tolérante.

Les rangées les plus proches des brises vents et situées du côté Est du brise vent (voir verger de ‘Maroc late’ de Fig. 1) (voir fichier PDF) ont été les moins affectées et les rangées d’arbres situées loin des brises vents, ou en bordures des parcelles dépourvues de brises vents ont été les plus affectées par le gel. En plus, les arbres des parcelles à faible densité et les arbres dont le feuillage est très réduit ont subit le plus de dégâts. Dans la plupart des situations où les arbres n’ont pas résisté, ce sont les côtés Sud et Ouest des arbres qui ont été les plus endommagés.

Pour toutes les variétés, les plants âgés de moins d’un an ont été les plus affectés suivis de ceux de 2 à 3 ans, et enfin des arbres de plus de 5 ans, toutes conditions égales par ailleurs. Les rameaux, les branches et le tronc des arbres ont résisté en général au méfaits du gel en proportion à leur diamètre: les pousses végétatives les plus jeunes (celles du flux d’automne et même du flux d’été pour certaines variétés comme la ‘Nour’ et le citronnier, en position terminale sur les branches sous charpentières) étaient encore tendres au moment du gel et n’ont pas résisté au froid (Fig. 1 et Fig. 2) (voir fichier PDF).

Pour le citronnier, là où il a été très affecté, même les sous charpentières n’ont pas résisté. Le tronc a été épargné dans tous les vergers et chez les jeunes plants âgés de plus de 2 ans. Chez le jeune rameau, le gel cause une décoloration suivie d’un dessèchement en quelques jours. Sur certains rameaux plus âgés et même sur les sous charpentières des variétés sensibles, l’écorce se fendille et se détache du bois (Fig. 3)(voir fichier PDF).

Quand aux fruits, au moment du gel, les variétés précoces comme les clémentines ont été déjà cueillies, les demi saisons comme les navels, la ‘Salustiana’, les sanguines etc. étaient en cours de cueillette et les tardives comme la ‘Maroc late’ n’ont pas encore été touchées. Les fleurs et les jeunes fruits de citron ont complètement gelés et noircis (Fig. 3) (voir fichier PDF).

Les fruits mûrs ou en fin de maturation présents sur les arbres lors des gelées ont été atteints par endroits. Les fruits affectés montrent, par endroits, un affaissement des cellules localisées entre les glandes oléifères et un ramollissement général de l’écorce avec une perte de turgescence et de brillance. Les fruits profondément atteints ne sont plus nourris par l’arbre car, souvent, le rameau (donc les vaisseaux conducteurs) qui les porte a lui aussi été gelé en partie ou en totalité et se dessèche. Par conséquent, ces fruits perdent de leur poids par transpiration et par utilisation des réserves tels que les sucres. Ils s’assèchent lentement, leur calibre diminue et finissent par se détacher de l’arbre.

Parfois, les dégâts ne se manifestent que plusieurs semaines après le gel et les fruits sur arbre peuvent apparaître sains et normaux de l’extérieur alors qu’à l’intérieur, ils présentent des granulations blanches et leurs vésicules à jus se désèchent lentement, le fruit se vide (Fig. 4) (voir fichier PDF) et sa densité diminue, ce qui le rend non commercialisable.

Que faire après le gel ?

Il faut signaler qu’au moment où le texte de ce bulletin a été rédigé, il est encore trop tôt pour se prononcer sur toute la gamme des dégâts et sur leur impact puisque les méfaits du froid vécu n’affecteront pas que les organes existants sur l’arbre mais ils auront aussi un effet sur les organes futurs comme la pousse végétative et la floraison dont l’intensité dépendra de la quantité de rameaux et de bourgeons détruits, la charge en fruits…

En général, les arbres en pleine végétation ont été plus affectés que les arbres « dormants ». Par conséquent, pour le futur, dans les zones à risque, il serait judicieux d’éviter tout traitement ou opération culturale qui induit le réveil de l’arbre ou le maintien de son état actif en fin automne et durant tout l’hiver. Ces opérations comprennent la taille, le travail du sol, l’application des engrais (N en particulier) et les à-coups d’irrigation. En particulier, si le phénomène se répète, il serait important de retarder la taille des arbres jusqu’à ce que l’on ait passé la période à risque.

En outre, les arbres affaiblis par toute sorte de stress sont plus sérieusement affectés par le gel que les arbres équilibrés. Il est donc important d’éviter le stress hydrique (par exemple, certains producteurs arrêtent d’irriguer certaines variétés comme la ‘Nour’ pendant plusieurs jours en hiver pour induire les arbres à fleurir et augmenter l’intensité florale), d’éviter de mal nourrir les arbres, et de s’assurer que l’état sanitaire des arbres est adéquat.

L’intérêt d’utiliser les brises vent a été nettement démontré suite au gel ayant sérieusement affecté les arbres exposés.

Le choix de la variété et du porte greffe sera régi par une comparaison des avantages et des inconvénients des diverses combinaisons surtout que certains avantages en relation avec le côté commercial (comme la précocité de mise à fruit, la tardivité de maturation, le calibre des fruits, la régularité de production, le rendement élevé etc. que permettent ces variété et/ou porte greffes) peuvent l’emporter sur la sensibilité relative des arbres au froid surtout dans la région du Souss où ce phénomène n’a jamais été enregistré par le passé, du moins selon les données climatiques auxquelles nous avions eu accès.

Par ailleurs, pour les arbres affectés, il est important de badigeonner les plaies des branches dont l’écorce a été fendillée, surtout les grosses branches jusqu’aux sous charpentières. Un traitement à base de bitume par exemple permet de couvrir la plaie vis-à-vis des eaux de pluies ou de rosée, des agents pathogènes et des insectes, et assure sa cicatrisation rapide. Un traitement des arbres atteints avec un fongicide ou un produit fongistatique permet d’éviter l’installation de diverses maladies à champignons.

Pour les arbres endommagés, il est important de retarder la taille jusqu’à ce que les pousses de printemps soient bien formées et que les arbres auront fleuri. Ceci permettra de conserver les branches saines et mieux diriger les coups de sécateurs en visant les branches non productives, complètement détruites, desséchées, éclatées, mal placées etc. Les nouvelles pousses assureront aussi une protection de l’arbre contre les fortes insolations. Pour les arbres de moins de 2 ans et qui sont sérieusement atteints, il serait envisageable de remplacer ceux qui sont irrécupérables ou qui mettront plus de temps à former les nouvelles ramifications.

Les arbres atteints ont perdu beaucoup de feuilles et donc de réserves. Ils ont une surface foliaire réduite et leurs besoins nutritionnels sont donc beaucoup plus réduits que s’ils étaient dans des conditions normales. Par conséquent, la fumure doit être raisonnée en fonction de la quantité de feuillage fonctionnel présent sur les arbres et l’augmenter graduellement avec le développement de nouvelles pousses, des fleurs et des fruits. Immédiatement après le gel, il est recommandé que la nutrition soit basée sur des éléments organiques facilement assimilables par les arbres.

Les irrigations seront raisonnées en fonction de l’état des arbres car ceux-ci ne profiteront pas des apports excessifs qui pourront plutôt causer une asphyxie des racines et même des pourritures racinaires. En outre, les arbres dont le feuillage a été très sérieusement affecté ne bénéficieront pas beaucoup des apports foliaires tant que la nouvelle pousse n’a pas été formée.

Pour les fruits mûrs ou en fin de maturation, quoiqu’ils soient plus résistants au froid, une température de -2 °C pendant 4 heures peut causer des dégâts aux fruits. Avant de prendre n’importe quelle décision sur les fruits, il est important d’évaluer l’intensité des dégâts, le type de dégâts causés leur effets éventuels sur la qualité. Les fruits mûrs sérieusement affectés et dont les vésicules à jus ont éclaté devront être cueillis et mis sur le marché immédiatement, sinon ils perdront leur fermeté et leur tenue.

La qualité et le goût de leur jus seront aussi altérés sur arbre. Parfois, les fruits sont d’apparence normale mais verront leur teneur en jus diminuer suite aux pertes d’eau et de matière. Il est donc important de suivre l’évolution de la qualité des fruits pour délimiter les fermes ou parcelles affectées, cueillir au moment opportun et éviter de mettre sur le marché des fruits de mauvaise qualité.

Prof. Mohamed El-Otmani,
Enseignant-Chercheur, IAV Hassan II,
Complexe Horticole d’Agadir, BP: 728, Agadir, Maroc
E-mail: melotmani@iavcha.ac.ma

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