Discussion et conclusion
S’il y a un secteur agricole au Maroc où les atouts en faveur de l’investissement contrebalancent très largement les risques et les contraintes, c’est bien celui des agrumes.
En termes de risque lié au marché, l’orange est le fruit pour lequel le Maroc est le moins menacé d’être concurrencé sur son propre territoire par l’importation. C’est l’un des rares secteurs où la mondialisation n’est pas perçue comme une amorce de prédation.
Sur le marché intérieur, son faible prix par rapport à d’autres produits comme la banane, la pomme, la poire, fait aussi de l’orange l’un des fruits les plus consommés par la population au Maroc.
Manifestement, pour le producteur, le marché intérieur reste globalement peu rémunérateur par rapport à l’Export. Toutefois, grâce au développement humain engagé par le Maroc, le programme des 10 millions de touristes à l’horizon 2010, la création de nouveaux pôles économiques autour de capitales stratégiques comme Agadir, Marrakech, Tanger,…l’espérance que le pouvoir d’achat de la population s’améliore, semble plus importante aujourd’hui qu’il y a 10-15 ans. Et dans l’hypothèse d’une mutation du marché intérieur, favorable à la consommation, il n’est pas exclu que l’orange soit justement le fruit qui en profite le plus, en raison de son prix modéré.
La question est maintenant de savoir si la profession est prête à anticiper les événements et à mettre ce marché intérieur aux normes, à l’instar de ce que font nos voisins d’Espagne, ou si elle veut continuer à l’utiliser pour la vente des écarts de triage, des variétés à problèmes dont la clientèle ne voulait plus à l’étranger (Ortanique, Nova), ou des surplus de tonnage en cas d’années de surproduction ou de mauvaise qualité.
En ce qui concerne l’export, le Maroc est présent depuis longtemps sur d’importants marchés, comme l’Europe, la Russie, les anciennes républiques de l’Ex-URSS, le Canada, l’Arabie Saoudite,… Dans ces zones, le Maroc doit être conscient des nouveaux risques que présentent pour lui non seulement la concurrence espagnole, mais aussi celles de l’Egypte, de la Turquie dont l’agrumiculture fait l’objet d’importants programmes d’extension et de modernisation.
Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier les possibilités de développement futur de l’export du Maroc à l’Est, dans le cadre du Maghreb Arabe, même si ce marché régional est pour le moment inaccessible pour des raisons politiques.
La structure et l’état du verger constituent le ‘talon d’Achille’ de la filière agrumicole au Maroc. Malgré les plans de relance du secteur dont le dernier en date et celui de 1997, la production totale et le volume de l’export n’ont pas progressé depuis 25 ans (env. 1.2 millions dont 500.000t/an d’export), alors que la production et la consommation mondiales ont pratiquement doublé sur les trois dernières décennies.
L’intérêt du Maroc est d’avoir une agriculture d’exportation florissante, dans laquelle l’agrumiculture continuera de jouer un rôle de locomotive, et non dans une politique consistant à se battre en retrait jusqu’à ce qu’il ne reste plus au Maroc, comme exportateurs, qu’une catégorie d’une trempe exceptionnelle pour faire face à la concurrence rude du marché, comme certains le préconisaient en privé, au lendemain de la catastrophe des prix des années 97.
Le développement de l’agrumiculture suppose que tous les acteurs de la filière fédèrent autour d’une stratégie d’ensemble, dans le but d’une efficacité économique globale permettant à l’Etat d’une part, de rapatrier un maximum de devises et aux producteurs d’autre part, d’exporter davantage à de bons prix; en plus des retombées marginales qui ne sont pas des moindres, comme la création d’emploi.
L’exercice n’est pas simple. C’est un véritable décathlon où la mise à niveau de l’ensemble des éléments de la chaîne devra intervenir, depuis le renouvellement du verger, le choix de l’assortiment variétal d’avenir, la recherche scientifique, la modernisation de la logistique, des outils de conditionnement, des moyens de communication pour protéger (et renforcer) l’image de marque dont jouit l’orange du Maroc.
Bien qu’il ne faille pas sous estimer les autres maillons, l’urgence pour le Maroc est d’abord de combler les graves retards de production de qualité, en mettant en place une stratégie de type “go” sans “stop” jusqu’à renouveler au moins son ancien potentiel des 75.000 ha qui est en voie d’extinction.
Si aujourd’hui on devait appliquer des normes raisonnables, ne serait-ce que de productivité, beaucoup de vergers dans une région importante comme le Gharb seraient proposés à l’arrachage et peu seraient marqués pour rester.
Il ne nous appartient pas de lister tous les leviers dont il faut user en vue d’une relance rapide et durable des agrumes. Mais, d’ores et déjà, l’on doit s’interroger pourquoi les mesures d’encouragement instaurées, dans le cadre du plan d’action de 1997, n’ont pas produit la dynamique attendue, qui consiste à planter 5000 ha par an.
Ces mesures sont-elles adaptées à la catégorie des petits producteurs, compte tenu de l’exiguïté de la propriété, parfois aggravée par le type de statut foncier (terres Guich, terres collectives,.. )? Le Maroc ne doit-il pas s’inspirer de l’expérience réussie des concurrents, que ce soit en matière de gestion de la micropropriété, de financement des projets, de subventions ou de soutien aux exportations?