La forêt d’arganier (Argania spinosa) connaît une dégradation, de plus en plus alarmante. Actuellement, la superficie couverte par l’arganier est d’environ 820.000 ha. Les efforts de reboisement, en vue de restaurer cette forêt, sont confrontés aux difficultés de reprise végétative à la transplantation. La réussite de cette dernière réside en partie dans la qualité des plantules produites. En outre, l’intensification du reboisement est subordonnée à la disponibilité en grand nombre de plants aptes à la transplantation. Les résultats suivants présentent un itinéraire technique (Figures 1 et 2, voir fichirer pdf) permettant la production rapide de plants, par semis, prêts à être plantés in situ.
Pouvoir germinatif des graines
Au cours de la phase de maturation, les fruits chutés sont ramassés au dessous des arbres repérés auparavant. Ces fruits sont séchés à l’air libre puis décortiqués. Leur semis est effectué, après un trempage des graines dans de l’eau pendant 48 heures, dans des germoirs constitués de plaques alvéolées remplies de tourbe. Les plaques contenant les graines à peine recouvertes de tourbe sont placées dans une chambre de culture à une température de 23°C et à la lumière du jour. L’humidité relative de l’air ambiant varie entre 65 et 75%.
Les résultats montrent que le pouvoir germinatif des graines varie selon leurs dates de récolte et selon le type d’arbre. Pour un même sujet, les fruits immatures récoltés directement de l’arbre le 10 février présentent un taux de germination pratiquement nul. L’aptitude à la germination des graines s’élève ensuite pour les fruits chutés durant la première quinzaine du mois de mars puis baisse à nouveau pour ceux chutés après le 25 mars. Ce comportement pourrait s’expliquer par le fait qu’au cours de la maturation du fruit, la graine s’enrichit en huile; l’augmentation progressive de sa teneur serait à l’origine de la diminution du pouvoir germinatif des graines. Cette hypothèse souligne l’importance du choix de l’époque de récolte des fruits dont les graines seront à usage de multiplication de l’arganier.
Par ailleurs, la différence d’aptitude à la germination observée chez les graines des différents arbres met en relief l’interférence du génotype dans la croissance de la graine connue par sa grande diversité génétique. La sélection du matériel végétal à utiliser pour la production de semences doit donc être prise en considération.
Développement racinaire et rôle de l’habillage
Chez l’arganier, les plantules produites par semis possèdent un système racinaire pivotant avec un développement rapide et puissant. Sous ces conditions, l’émission de radicelles le long de l’axe principal se trouve limitée. Deux semaines après le semis suffisent pour que la racine pivotante apparaisse à travers le trou au bas de l’alvéole. L’étêtage de cette racine, à 1 cm du bout de l’alvéole, stimule sa ramification latérale; le nombre de pivots ramifiés a enregistré une augmentation de 43% par rapport au témoin. Un important chevelu racinaire s’est ainsi formé près du collet. Au bout de 3 semaines suivant l’intervention, le nombre de ramifications chez les racines habillées a augmenté de 74% par rapport à celles laissées intactes. Cependant, aucune différence n’a été observée en ce qui concerne leurs longueurs. Cette forme ramifiée du système racinaire et sa localisation près du collet, facilitent les opérations de transplantation des plantules et contribuent à l’amélioration de leurs taux de reprise grâce à une meilleure et importante assimilation de l’eau et des éléments nutritifs, notamment durant les premiers mois suivant leurs mise en place au champ.
Mise en pot et acclimatation des plantules
Les plantules obtenues sous les conditions contrôlées sont très fragiles et nécessitent ainsi une acclimatation avant de les placer sous les conditions naturelles du champ. Après 10 jours suivant l’habillage des racines, les plantules sont retirées de l’alvéole avec leurs petites mottes racinaires et plantées dans des pots en plastique de 20 cm de hauteur et 9 cm de diamètre. Ces pots sont ensuite placés sous abris-tunnel en plastique blanc, transparent. Ces tunnels s’ouvrent à moitié pendant le jour et se referment pendant la nuit. Les plants ont séjourné pendant 30 jours sous les conditions d’acclimatation. Durant les 10 derniers jours, les plants sont placés en plein air. Le substrat utilisé est constitué de terreau d’arganier mélangé avec du sable aux proportions égales. Il est maintenu humide par des arrosages quotidiens.
Transplantation en plein champ
Au moment de la transplantation en plein champ, effectuée 65 jours après le semis, la longueur des plants a atteint 10 à 14 cm avec un nombre de feuilles allant de 20 à 28. Ces plants se sont relativement mieux endurcis et lignifiés le long de la moitié basale de l’axe aérien. Cet aoûtement aidera le jeune plant à survivre durant les premiers jours suivant la transplantation en plein champ. Celle-ci est effectuée, en septembre 1996, dans une parcelle préparée à cet effet à la ferme expérimentale de l’IAV Hassan II-Complexe Horticole d’Agadir. Après la mise en place du plant, dont les racines sont maintenues au sein de la tourbe préalablement humidifiée, les trous de 30 cm de côté sont rebouchés avec de la terre fine, une cuvette est confectionnée autour du plant et enfin un tuteur, permettant de soutenir l’axe du plant, est mis en place. Les distances de plantation sont de 3 mètres entre plants et 4 mètres entre lignes, soit une densité de 833 arbres par hectare. Un premier arrosage à la cuvette est effectué juste après plantation; puis, il est répété une fois par 15 jours durant les 6 mois suivants après lesquels l’apport d’eau est suspendu. La capacité de reprise végétative, évaluée après 15 mois de culture, est très satisfaisante; elle a atteint 98 %.
Conclusion
La production de plants d’arganier de bonne qualité contribue énormément à la réussite de reprise lors de leurs transplantations en plein champ. L’itinéraire technique que nous venons de présenter permet non seulement de préparer des plants d’arganier, en sachet, aptes à la transplantation mais aussi de raccourcir la durée de leur obtention grâce notamment aux conditions particulières de culture. Parmi ces conditions nous citons le choix du sujet producteur de semences, l’utilisation pour la germination des graines de fruits mûrs récoltés au début de la phase de chute puis, le contrôle des paramètres climatiques de culture (température, humidité) et enfin, l’habillage de la racine principale. La réussite de la transplantation et intimement liée à l’entretien cultural apporté au plant au moment et après sa mise en place au plein champ.
Prof. Benismail M.C.
Laboratoire d’Ecophysiologie Végétale
Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Agadir