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lundi, octobre 7, 2024

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Fertigation de la tomate hors sol dans la région de Douiet (Maroc)

Impact sur la durabilité du système

La durabilité d’un système hors sol, peut être compromise par l’apparition subite dans la nature, d’agent pathogène dangereux tel que le Tylc. Mais traditionnellement, le risque peut provenir d’une dégradation lente et irréversible du système, notamment des qualités du substrat, même en conditions de conduite normale.

Traitée sous l’angle de la fertigation, la menace sur la durabilité à Douiet, semble surtout liée à une accumulation dangereuse de sel dans la pouzzolane. La réduction de l’espace poral par effritement physique, tassement, accumulation de matière organique racinaire,… a engendré une certaine tendance nette à freiner la bonne circulation des excédents de solution dans les gouttières, d’où d’importants dépôts de sels visibles même à l’œil nu, à la surface du substrat.

La figure 2 (voir fichier PDF), donne la réaction de la pouzzolane à la lixiviation de l’excès de sel par lavage à l’eau de Douiet. Le taux de sel du substrat diminue selon un modèle de type puissance. Il faut entre 40 et 60 dm3/mL de gouttière si l’on veut ramener la conductivité, de la valeur atteinte après 17 ans d’accumulation (soit 6.4 mmhos/cm), à la valeur asymptotique de 1.5 mmhos/cm.

D’autre part, l’expérimentation montre qu’on n’atteint jamais l’EC de l’eau de lavage (soit 0.65 mmhos/cm) et à plus forte raison celle du substrat à l’état vierge (0.1 mmhos/cm), en procédant à des apports supplémentaires d’eau, vraisemblablement en raison de la valeur élevée de la capacité d’échange cationique (tab. 4).

Au stade actuel, le matériau peut être considéré comme fiable pour une productivité de 220-250 t/ha, à condition de prendre la précaution de rétablir le niveau dans le conteneur en rajoutant chaque année 3 à 5 % pour compenser les pertes sur les côtés et par tassement. Par contre, il est difficile de se prononcer de combien d’années la longévité du système peut être prolongée après ce lavage, quoi que le bon comportement de la tomate laisse présager la possibilité d’encore utiliser le substrat 4 à 5 années de plus, sans baisse significative de productivité.

La durabilité n’est pas seulement une question de performances agronomiques mais aussi de rentabilité.

Sous cet angle économique de la durabilité, l’enseignement vital à tirer de Douiet pour l’avenir, est la nécessité d’une stratégie à plusieurs scénarios de culture, tous exécutables dans les mêmes installations, mais dont l’un sera réalisé et les autres gardés sous la main, pour faire face aux imprévus du marché. Eu égard au volume des investissements engagés dans ce genre de projet, il ne faudrait surtout pas commettre dans l’avenir, l’aberration du scénario à une seule monoculture et d’attendre de constater l’effondrement des prix, pour commencer à entreprendre la recherche de solutions de rechange.

La figure 3 (voir fichier PDF), montre à quel point la rentabilité d’un grand projet, pourtant étudiée avec beaucoup de soins, peut être « zérotée » peu de temps après sa mise en place, en raison de l’effondrement subite et irréversible du prix sur le marché.

Le prix de 5 Dh/kg prévu pour la tomate ronde (produit numéro 1 considéré dans le calcul initial de rentabilité) n’a été réalisé que les deux premières années. Il a ensuite chuté de façon draconienne obligeant dès 1993 à engager un long processus de diversification (introduction de la pêche précoce à haute densité, du raisin précoce,…), afin de continuer à assurer une rentabilité minimum. Tout s’était passé, comme si l’étude du projet avait été réalisée la veille de grands changements dont il n’avait pas été tenu compte.

Impact sur l’environnement

L’une des interrogations majeures du système de fertigation avec solution perdue est son impact sur l’environnement. En agriculture et en fertigation en particulier, c’est surtout l’azote et le phosphore qui sont mis à l’index en cas d’excès. Le préjudice porté à l’environnement peut être la dégradation de la qualité de l’eau si celle-ci est destinée à un usage domestique ou en le phénomène d’eutrophisation aboutissant à la formation de marées vertes, d’eaux colorées,…voire à la dégradation du milieu aquatique par prolifération algale, désoxygénation et production de toxines.

A Douiet, il ne peut y avoir d’impact significatif dans l’état actuel des choses, du fait qu’on est en présence d’un projet unique parfaitement isolé. Les masses absolues de substances en NO3 et en P drainées par les caniveaux des serres sont très faibles (soit resp. 0.57 et 0.20 kg/ha/j). Le risque aurait été tout naturellement différent si la région était partout parsemée de ce genre de projets avec rejet systématique de fertilisants dans le réseau hydrographique, sans transit par le lagunage.

D’autre part, il ne faudrait pas oublier que le drainage coïncide avec la période hivernale caractérisée par des vagues de pluie importantes. D’où des concentrations en fin de compte infinitésimales (par effet de dilution), eu égard aux côtes d’alerte décrétées par les divers organismes dont l’OMS (50 ppm de NO3- pour les sources destinées à l’eau potable).

Dans les puits superficiels limitrophes (<30m), l’analyse réalisée à l’occasion de cette étude, montre des concentrations de l’ordre de 30 mg/L. Mais ce résultat ne peut être interprété comme étant la conséquence des rejets azotés en provenance de l’hors sol. D’une part, en raison de l’absence de témoin d’avant projet et d’autre part, du fait de la présence dans le voisinage d’autres sources de pollution diffuse comme les étables, le maraîchage plein sol, la grande culture …

Le risque des effluents agricoles n’est réel que si ceux-ci empruntent le cycle habituel de pollution. Douiet est le site type où l’on peut faire de l’hors sol un système risque zéro pollution sur l’environnement en recyclant le drainage pour fertiliser la grande culture dans les pivots à côté. Ce qui suppose un bassin d’accumulation équipé de géomembrane pour empêcher toute entrée directe des sels polluants dans le cycle de pollution et d’eutrophisation.

Aït Houssa A1., Nouga El.2, Oualili H.2, Chtaibat Y.2, Chaddad A.2
1Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès
2Domaine Agricole de Douiet

Activités du projet ConserveTerra

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