Consommations totales et prix de revient des solutions
Pour un rendement de l’ordre de 220-250 t/ha, la consommation en fertilisants et en acides, y compris les pertes par drainage, est de 800-1000 U/ha de N, 350-400 U/ha de P2O5, 1700-2000 U/ha de K2O, 280-350 U/ha de CaO, 120-160 U/ha de MgO, en plus des oligo-éléments.
De tels chiffres correspondent à env. 4 U/t pour l’azote, 1.5 U pour le phosphore, 8U pour la potasse, 1.5 pour le CaO et 0.6 pour le MgO.
En équivalent produits, ces chiffres correspondent à env. 2T/ha d’acides (soit 23 %) et 7T/ha d’engrais (soit 77 % dont 59-62 % de nitrate de potasse, 22-24 % de nitrate de calcium, 9-10 % de phosphate mono-ammonique, 6-8 % d’oligo-éléments et de sulfates).
C’est le prix des produits sur le marché local qui détermine le coût de la solution, lui même fonction du marché mondial. Au cours du dollar à la date de la rédaction de ce bulletin, sur le marché marocain, l’acide phosphorique (d = 1.70) coûte 1.112 $/t, l’acide sulfurique (d =1.83) 226 $/t, l’acide nitrique (d = 1.41) 425 $/t. En ce qui concerne les principaux engrais solides utilisés, le nitrate de potasse coûte 462 $/t, le nitrate de calcium 364 $/t, le MAP 242 $/t, l’ammonitrate HD 148 $/t, le sulfate de potasse 367 $/t et le sulfate de magnésie 360 $/t.
Dans le contexte de production et de consommation de Douiet, le prix de revient de la solution varie de 51.700 à 65.800 Dh (5170 à 6580 $/ha) selon les années, soit 8 à 10 % du prix de revient de la tomate.
Productivité obtenue
Sur ce plan, la courbe des rendements (Fig.1) (voir fichier PDF) montre deux périodes caractéristiques:
– la période 1, qui s’étale de la mise en place du projet en 88 jusqu’à 1998, avec un rendement en progression continue, grâce à l’introduction de nouvelles techniques;
– la période 2 après 1998, avec une variation en dents de scie et une tendance nette à l’absence de progrès supplémentaire sur la productivité.
L’interprétation des résultats sous le seul angle de la fertigation est loin d’être suffisante, même si entre temps, il y a eu de réels progrès sur cette technique. Voici la liste des principales innovations ayant contribué à l’augmentation du rendement, depuis la création du projet, sans qu’il soit possible de faire la part de chacune dans le progrès global constaté:
- Introduction de l’hybride Daniela à potentiel plus important pour remplacer Prisca;
- Introduction du bourdon pour améliorer la nouaison;
- Amélioration de l’efficience du système d’irrigation en remplaçant le capillaire par le goutteur (meilleur coefficient d’uniformité) et en réduisant la longueur de la rampe porte/goutteurs afin d’éviter l’hydromorphie en fin de gouttière dans certains secteurs;
- Introduction des serres multichapelles;
- Amélioration de la fertigation;
- Amélioration de la conduite technique.
Ce ne sont là que les techniques intégrées définitivement au processus de production. La liste exhaustive est en fait plus longue et comprend d’autres innovations pour la plupart abandonnées au stade expérimental (production sur laine de roche, sur tourbe blonde, …), ou retirées peu de temps après, en raison de leur coût exorbitant (chauffage d’appoint à air pulsé, production sur perlite, greffage de plants,…).
Toutes choses égales, c’est avec le greffage qu’un progrès spectaculaire sur la productivité avait été démontré à Douiet (pic de 300t/ha). Malheureusement, l’investissement requis pour un projet de pépinière sur place n’est pas rentable, en raison de la superficie limitée en tomate dans la région.
La tomate est une espèce originaire des régions chaudes, avec des besoins assez élevés en température pour sa croissance. Tout compte fait, c’est le bilan énergétique qui limite la marge de progrès sur le rendement dans le site de culture. Pour la période concernée par la production de tomate de primeur en vue de l’exportation (novembre à avril), ce bilan est loin d’être favorable même avec le chauffage géothermique.
Le nombre de bouquets produits par an est beaucoup plus faible par rapport à d’autres zones comme Dakhla (24 contre 28) à bilan énergétique naturellement très positif du fait d’une température oscillant constamment entre 14 et 28°C, l’hiver comme l’été.
D’une manière générale, les meilleurs rendements notés correspondent aux années climatiques favorables à hiver moins froid, bien ensoleillées et avec moins de problèmes phytosanitaires.
Impact sur la qualité
En ce qui concerne cet aspect, il vaudrait mieux parler de défauts apparents attribuables à la mauvaise nutrition (insuffisance, déséquilibre) ou à l’interaction de la mauvaise nutrition avec d’autres facteurs aggravants tels que l’amplitude thermique, les basses températures nocturnes, la sensibilité variétale,…que de la qualité au sens de Stevens et du Citfl qui est un concept beaucoup plus large.
Il n’y a jamais eu d’études sur la valeur gustative spécifique de la tomate de Douiet. Mais des études abondantes existent déjà par ailleurs sur le sujet et montrent que sur ce point, les résultats sont plutôt contradictoires et dépendent plus de la variété et de la saison que du mode de culture lui même. Ils sont tantôt en faveur du plein sol et tantôt à l’avantage de la culture sur substrat.
Par contre, l’apport indéniable à mettre à l’actif de Douiet sur le plan qualitatif est celui du progrès considérable réalisé en matière de lutte intégrée afin de produire pour le consommateur, des tomates faisant appel à très peu de pesticides, sinon sans résidus de pesticides.
En 18 ans, on a eu l’occasion de noter toute sorte de défauts qualitatifs signalés sur la tomate: fruit cordiforme, côtelé, collet vert, fissurations, éclatement, …
Les défauts réels de qualité vécus, parmi ceux qui sont connus pour avoir partiellement comme origine une fertigation inadaptée, sont surtout les problèmes de Blotchy (excès de N, de Ca, insuffisance en K, faible EC,…) au début du cycle, de la tomate creuse (froid couplé à un excès de N, EC faible, K insuffisant, …), de la tomate molle (EC faible), et très secondairement la nécrose apicale en fin de cycle ( EC élevée, insuffisance de Ca, excès de NH4+, de K, de Mg, ..).
Mais dans tous les cas, il n’y a jamais eu de problèmes qualitatifs majeurs à même de compromettre totalement la campagne d’exportation. Souvent, le problème reste passager et lié momentanément au climat de la saison. Sur le plan commercial, la qualité de la tomate produite en hors sol à Douiet a plutôt forgé une bonne réputation à l’étranger et a été même à l’origine de marque devenue très célèbre sur le marché européen.