Au Maroc, la betterave fourragère est très productive en irrigué (110-120 t/ha). Elle peut être semée en saison, comme la betterave sucrière et les céréales (semis d’automne et récolte de fin printemps) ou en contre saison (semis de fin printemps et récolte de fin automne).
De conservation difficile à l’air libre en été, la betterave fourragère peut être conservée au froid hivernal, lorsqu’elle est produite en contre saison dans les régions continentales ou proches des montagnes. Elle peut aussi être ensilée en mélange 50/50 avec la paille des céréales ou maintenue en parcelle et arrachée au fur et à mesure du besoin du bétail. Sur le plan qualitatif, la composition de la racine produite au Maroc, est très proche des standards rapportés dans les tables alimentaires (UFL = 1,14; UFV = 1,17; PDIN = 62; PDIE = 85).
Incorporée avec l’ensilage de maïs ou de sorgho pour nourrir la vache laitière, la betterave ne soulève aucun problème particulier, si ce n’est de respecter les règles habituelles de la transition progressive de 2-3 semaines, de la MS de la racine dans la ration plafonnée à 5 kg, et une distribution aux animaux de préférence en plusieurs repas. Dans les terrains irrigués avec de l’eau douce, la betterave ne présente pas d’atouts suffisants pour pouvoir concurrencer le maïs ensilage, qui reste la culture préférée de la communauté des agriculteurs/éleveurs, y compris ceux ayant de grands projets d’élevage moderne. Aussi longtemps que le maïs est cultivé dans ces terrains, la betterave fourragère n’aura pas beaucoup de chances de s’y développer.
Au nord du pays, elle ne pourra jamais concurrencer le nouveau système super-intensif dit 3P ou trois productions/an (1 fourrage d’hiver + 2 maïs ensilage) ou intensif 2P (1 fourrage d’hiver + 1 maïs ensilage), du fait de son cycle très long qui ne permet pas de libérer tôt les parcelles. En irrigué, la betterave restera une culture de circonstances particulières, notamment en intercalaire avec les jeunes arbres pour mieux valoriser les terrains des vergers d’agrumes ou d’olivier durant les premières années.
Dans les zones d’agriculture pluviale, les conditions ne sont pas non plus favorables à l’essor de la betterave fourragère, en raison surtout de l’aridité du climat. Même en haute montagne comme le moyen Atlas qui présente quelques traits de ressemblances avec certaines régions d’Europe produisant la betterave fourragère pour le grazing, la culture est impossible eu égard à la qualité médiocre des terres valorisant peu les pluies et à leur exploitation dans l’indivision pour l’élevage semi-nomade ovin.
Pour développer la betterave fourragère, il lui faut des terrains spécifiques où elle présente un certain avantage concurrentiel. Ce n’est pas une halophyte vraie, mais l’espèce s’accommode un peu mieux des fortes concentrations de salinité que le maïs. Elle peut être proposée aux grandes régions du pays (désertiques entre autres) avec des aquifères qui recèlent une ressource en eau abondante mais salée, sous réserve toutefois d’un management qui respecte la durabilité du système. Le référentiel que cette proposition peut être déclinée en projet réel, en est la coopérative laitière de “Foum El Oued” à Lâayoune, au sud du Maroc, où l’on arrose les fourrages avec des eaux de 4-5 gr de sel/l, depuis plus de vingt-cinq ans.