EAU ET CLIMAT: Le Maroc à la croisée des chemins ?
RAPPORT STRATÉGIQUE
Institut Marocain d’Intelligence Stratégique
Juin 2025
Coordinateur et auteur Ghalia Mokhtari
Sous la direction de Abdelmalek Alaoui
Avec la participation de Ahmed Azirar, Yasmine El Khamlichi, Meryem Benhida
INTRODUCTION
Quelle souveraineté hydrique marocaine dans un monde sous tension ?
« Les guerres du 21ème siècle seront menées par l’eau » Dr Ismail Serageldin
À l’heure où s’intensifient les dérèglements climatiques, les instabilités géopolitiques et les rivalités pour l’accès aux ressources vitales, l’eau émerge comme un enjeu de souveraineté, de cohésion territoriale et de résilience stratégique. Le Maroc ne fait pas exception. Situé au croisement de défis climatiques, énergétiques et économiques, le Royaume fait face à une crise hydrique devenue structurelle, qui met à l’épreuve ses équilibres sociaux, agricoles et territoriaux. Sécheresses prolongées, pression démographique, urbanisation rapide, développement accéléré de l’agriculture et coûts énergétiques croissants : la gestion de l’eau cristallise un faisceau de tensions systémiques. Le Maroc se trouve donc confronté à un double impératif: assurer un accès équitable et sécurisé à une ressource qui se raréfie, tout en opérant une transition vers une gouvernance hydrique sobre, intégrée et résiliente. Dans ce contexte, le présent Rapport Stratégique ambitionne de contribuer au débat stratégique national sur la souveraineté hydrique, en cohérence avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) ainsi que les engagements pris par le Maroc dans le cadre des COP et des stratégies climatiques nationales. Cette réflexion s’inscrit dans la droite ligne des Hautes Orientations de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, pour lequel la question de l’eau constitue une priorité nationale absolue.
Cette vision Royale repose notamment sur les piliers structurants suivants:
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Garantir l’accès universel à l’eau potable et à l’irrigation, en priorité dans les zones les plus vulnérables;
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Accélérer les investissements dans les barrages, le dessalement et la modernisation des réseaux hydriques;
- Anticiper les effets du changement climatique, en adaptant les usages et les infrastructures;
- Instaurer une rigueur d’exécution, avec un suivi rapproché des projets et une tolérance zéro pour les retards;
- Responsabiliser les usages via la lutte contre le gaspillage et la protection des nappes phréatiques ;
- Renforcer la coordination institutionnelle, à travers une gouvernance rénovée, pilotée au plus haut niveau.
Ces axes forment les fondations d’une souveraineté hydrique renouvelée, articulant efficacité, équité territoriale et justice intergénérationnelle. C’est à cette ambition que souhaite donc modestement répondre l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS), en formulant une vision claire et des leviers concrets d’action.
Car le sujet de l’eau, peut-être encore plus que celui de l’éducation, se trouve désormais au cœur de la conversation structurant l’action publique marocaine, en faisant un sujet hautement sensible sur le plan politique. L’idée principale consiste ici de faire le lien entre deux mondes qui se parlent peu: celui des académiques, souvent enfermés dans des raisonnements «purs », détachés des urgences économiques, sociales et stratégiques; et celui des décideurs politiques, pris dans « le temps tactique», où la sémantique compte autant que la stratégie. L’objectif de ce travail de recherche est donc de remettre du lien, de l’intelligence politique, et de l’agilité dans les passerelles entre la réflexion et l’action.
Deux objectifs principaux structurent la démarche:
- Offrir une lecture critique, prospective et systémique des défis hydriques à l’horizon 2030 – 2050;
- Proposer des recommandations ciblées, concrètes et stratégiques, à destination de l’ensemble des parties prenantes: autorités publiques, collectivités, acteurs privés, société civile et partenaires techniques.
Pour remplir ces objectifs, l’IMIS a mobilisé pendant plus de quatre mois une équipe pluridisciplinaire dirigée par une avocate, Ghalia Mokhtari, spécialiste des sujets d’infrastructure au Maroc. Ce choix a évidemment été guidé par la volonté de l’institut de placer en tête des priorités guidant l’analyse la compréhension de la gouvernance formelle du secteur de l’eau, ainsi que les protagonistes informels pesant sur les décisions et l’arsenal législatif et réglementaire qui en structure le cadre général et les interactions.
Le débat technique, relatif notamment à la place et aux poids des ressources non conventionnelles et à l’agriculture, a quant à lui fait l’objet d’un workshop regroupant des experts extérieurs jeudi 22 mai afin de confronter les travaux de l’Institut à une revue critique. Enfin, afin d’élaborer des recommandations qui répondent aux enjeux identifiés, un benchmark international a été réalisé pour isoler les meilleures pratiques internationales et en tirer des enseignements potentiellement applicables au Maroc. Bien entendu, cette problématique de l’eau, qui a fait l’objet de nombreuses interventions Royales récentes afin d’en réaffirmer à la fois la prééminence et la centralité dans le chemin de développement marocain, est par essence un sujet politique hautement inflammable. C’est pourquoi l’IMIS a pris soin de constituer une base de données et une bibliographie étoffée qui reflètent la diversité des sensibilités et des courants d’opinions qui irriguent la pensée nationale et internationale en matière de gestion du stress hydrique.
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