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Effet de l’âge, des têtes de clones, de la position du ramet et du traitement à l’AIB sur l’enracinement des boutures de l’arganier (Argania spinosa L. Skeels)

RÉSULTATS ET DISCUSSIONS

Essai 1

Les résultats du bouturage de l’arganier dans des conditions non contrôlées suggèrent que le taux d’enracinement varie selon les clones. L’analyse de la variance a montré que cette variation est affectée par l’âge et par la position des boutures sur l’arbre. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus par Hartmann et Hansen, (1958) et Tousignant et al., (1996). Les meilleurs résultats d’enracinement ont été obtenus chez les boutures issues des jeunes arbres appartenant au clone 3, qui a présenté une certaine aptitude à l’enracinement (25 %).

Les résultats représentés par la figure 2 montrent que les boutures de l’arganier peuvent survivre plus de 6 mois sans produire de racines. Le taux d’enracinemement obtenu varie entre 0 et 25 %, alors que le taux de calogènese peut atteindre 80 % selon les génotypes. Afin d’augmenter le taux d’enracinement, il est recommandé de rehausser progressivement l’intensité lumineuse après l’apparition des cals (Hartmann et al., 1997). Comme les boutures ne peuvent pas absorber les minéraux durant la période qui précède l’enracinement, elles doivent être prélevées de plants-mères adéquatement fertilisés (Hartmann et al., 1997).

Le poids sec des racines des boutures issues des jeunes arbres montre une supériorité significative par rapport à celui des boutures issues d’arbres adultes tous clones confondus (Tableau 1). Le poids sec des racines des boutures de jeunes arbres était 50 % supérieur à celui des racines des boutures d’arbres adultes.

Tableau 1: Effet de l’âge des pied-mère d’arganier sur le poids sec des racines issues du bouturage herbacé

Origine des boutures Poids sec moyen des racines (g)
Arbres adultes 0,22 b
Arbres jeunes 0,33 a

L’effet positif de la juvénilité des boutures sur l’enracinement a été prouvé aussi chez d’autres plantes à savoir le chêne (Moon et Yi, 1993), le mélèze hybride (Pâques et Cornu, 1991) et Leucaena leucocephala (Dick et al., 1998). D’autre part, le rajeunissement des châtaigniers a permis à (Sánchez et al., 1997) d’obtenir des pousses avec des taux d’enracinement élevés. En outre, la période de prélèvement des boutures peut également affecter la capacité d’enracinement (Badji et al., 1991). Ces auteurs ont montré que les boutures prélevées pendant la période de sécheresse présentent des difficultés d’enracinement par rapport à celles récoltées pendant la saison des pluies.

En plus de l’âge et de la période de récolte, la position des boutures sur l’arbre présente aussi un effet hautement significatif sur le taux d’enracinement et l’élongation racinaire (Tableau 2). Nos résultats montrent que les boutures prélevées de positions basales ont une grande aptitude d’élongation racinaire. Les boutures prélevées à partir de rejets développés à la base des arbres ont une plus grande capacité à produire des racines par rapport aux autres positions (18 % pour les rejets basaux; 3,43 % pour la partie médiane et 4,10 % pour la partie haute à l’échelle de l’arbre) et une plus grande aptitude à l’élongation racinaire (Tableau 2). Par contre, les traitements à l’AIB n’ont pas eu d’effet sur l’enracinement.

Tableau 2 : Effet de la position du ramet sur la longueur des racines

Position du ramet sur l’arbre Longueur moyenne des racines (cm) Taux d’enracinement (%)
Apicale 0,61b 4,10b
Médiane 0,75b 3,43b
Basale 1,34a 18,00a

 

La position (Topophysis) de la bouture sur l’arbre est déterminante dans la réussite de l’enracinement (Hartmann et al., 1997) et influence l’architecture de la future plante. Mirov,(1937) et Smith, (1956) sont les premiers à signaler l’importance de l’effet de la position du ramet sur la croissance, le développement et la ramification des boutures. Dans la même vision, Kleinschmidt, (1961) a observé des différences dans la ramification des boutures de quatre ans chez Abies alba provenant de différentes positions du pied-mère.

Chez l’arganier, les boutures de rejets de souches s’enracinent mieux que celles prélevées en haut de l’arbre (Bellefontaine, 2010). D’autres recherches ont prouvé que les pousses jeunes de la base d’un pied-mère relativement âgé s’enracinent mieux que les pousses plus hautes (Dembélé, 2012). Comme le démontrent tous les ouvrages portant sur la multiplication végétative des plantes, il existe de grandes différences entre les espèces et même entre les individus d’une même espèce, certaines s’enracinent en moins de trois semaines alors que d’autres peuvent nécessiter plus de 8 à 10 semaines (Auclair, 2009).

Essai 2

Taux d’enracinement

Un an après la mise en bouturage, le taux d’enracinement dans des conditions contrôlées a permis d’atteindre 76,2 % chez les boutures issues de jeunes arbres et 33,3 % chez les boutures issues d’arbres adultes (Tableau 3) indépendamment du type de bouture (apicale, médiane ou basale).

Tableau 3: Effet de l’âge de l’arganier pied-mère sur l’enracinement des boutures 12 mois après le bouturage

Types d’arbres Taux d’enracinement après 12 mois (%)
Jeunes 76,2 ± 18,9a
Adultes 33,3 ± 18,9b

Les taux d’enracinement obtenus dans le cadre de cette étude sont supérieurs à ceux obtenus par plusieurs travaux sur le bouturage de l’arganier qui oscillaient entre 16 % et 41 % (Kaaya, 1998; Harrouni, 2002; Bellefontaine et al., 2010) et d’autre travaux ont atteint des seuils élevé mais sur un nombre réduit de boutures et dans un temps limité. Metougui et al., (2017) ont atteint un taux de 66,7 %  chez quelques génotypes. Le micro-bouturage permet un taux d’enracinement plus élevé (80 à 95 %) en fonction des clones (Nouaim et al., 2002). Le type de boutures n’a pas eu d’effets significatifs sur l’enracinement de l’arganier (Tableau 4).

Tableau 4: Effet du type  de bouture sur le taux d’enracinement 12 mois après le début du bouturage

 Type de bouture Taux d’enracinement (%)
Boutures ligneuses  40,5 ± 29,1a
Boutures semi-ligneuses 52,4 ± 23,3a
Boutures herbacées 71,4 ± 28,5a

Des recherches sur le bouturage du jojoba ont montré que la nature et la concentration de l’auxine utilisée pour induire la rhizogénèse ont une influence statistiquement significative sur le processus d’enracinement des boutures (Houar et al., 2014).

L’enracinement des boutures, surtout pour les espèces récalcitrantes au bouturage, exige des conditions de culture contrôlées. L’humidité relative de l’air, le type et la température du substrat ainsi que la luminosité sont des facteurs qui influencent la viabilité des boutures jusqu’à l’émission des racines (Hartmann et al., 1997). Comme les boutures feuillées transpirent davantage au tout début de la période d’enracinement, il est important de réduire les fortes intensités lumineuses pour éviter le stress hydriques (Loach, 1988). Toutefois, il est essentiel de ne pas apporter trop d’eau par nébulisation ou par arrosage afin d’éviter une accumulation excessive d’eau dans le substrat de propagation qui réduirait l’aération et qui causerait l’asphyxie de la base de la bouture et la contamination fongique (Hartmann et al., 1990; Nouaim et al., 2002; Alouani, 2003).

Croissance des boutures

L’analyse de la variance sur l’effet des trois facteurs (âge, type de bouture et traitement à l’AIB) sur le bouturage de l’arganier en conditions contrôlées montre que les boutures issues d’arbres jeunes ont une capacité de croissance apicale plus importante que les boutures issues d’arbres adultes aussi bien à 8 mois qu’à un an. Ce test montre que pendant les 8 premiers mois, le taux de croissance approche les 80 % pour les boutures issues des arbres jeunes alors qu’il est limité à 11,6 % chez les boutures issues des arbres adultes. La croissance devient plus importante après 12 mois de culture où  le taux de croissance a atteint 87 % pour les boutures de jeunes arbres alors qu’il est resté à moins de 20 % dans celles issues d’arbres adultes (Figure 2). 

Essai 3

Afin d’évaluer la qualité des racines formées lors du bouturage de l’arganier, elles ont été comparées aux racines issues de semis. Les semis se caractérisent par une racine pivotante (orthotrope) bien développée contrairement aux boutures qui développent un amas cellulaire qui donne naissance à plusieurs racines orthotropes (Figure 3).

L’étude de la longueur des racines des boutures comparées aux semis montre que ce dernier donne un système racinaire plus long que celui des boutures.  Cependant, le nombre de racines orthotropes des boutures est toujours supérieur à celui des plantules issues de semis. Les racines secondaires (plagiotropes) sont plus importantes dans le cas du semis comparé au bouturage (Figure 4). Les boutures herbacées et semi-ligneuses donnent plus de racines orthotropes et plagiotropes que les ligneuses (Figures 5 et 6). Ces résultats sont comparables à ceux rapportés par Kaaya, (1998) et Nouaim, (1994).

Cette différence peut être expliquée par le fait que les boutures herbacées sont plus riches en phytohormones et en réserves endogènes que les boutures ligneuses. Ces changements métaboliques dans les zones d’enracinement des boutures dus aux phytohormones sont susceptibles d’inhiber ou de favoriser la régénération des racines (Nanda et Jain, 1972; Nanda, 1975; Bhattacharya et al., 1978; Haissig, 1986; Mato et al., 1988; Haissig et Davis, 1994; Das et Bharghavan, 1997; Hartmann et al., 1997; Druege et al., 2000; Husen et Pal, 2001) . D’ailleurs plusieurs recherches ont signalé que l’acide indole acétique (IAA) favorise l’enracinement des boutures en augmentant la disponibilité du sucre au niveau du collet (Altman et Wareing, 1975; Liu et al., 1998).

CONCLUSIONS

Ce travail a montré que la multiplication végétative par bouturage de l’arganier est possible comme l’ont prouvé d’autres travaux. Toutefois, la maîtrise de la technique, le choix et l’âge du pied-mère et la position des ramets sur les arbres influencent fortement le taux d’enracinement, la qualité des racines et le développement ultérieur des plantules. L’optimisation du taux d’enracinement nécessite le contrôle des conditions de bouturage telles que la température du substrat, l’humidité relative de l’air dans l’enceinte de multiplication et l’éclairage. D’autre part la sélection de clones peu récalcitrants au bouturage et l’âge des pieds-mères (arbres jeunes ou rajeunis pour induire l’effet de juvénilité) constituent des facteurs qui paraissent plus importants encore que la maitrise des conditions de bouturage. Les conditions dans lesquelles les pieds-mères vivent ont aussi une influence sur l’aptitude au bouturage. Il a été bien établi que le bouturage ne peut pas être efficace dans le cas des forets qui souffrent du stress hydrique. L’irrigation (et peut-être aussi la fertilisation) des pieds-mères est indispensable pour avoir un nombre important de boutures aptes à s’enraciner.

Ce travail a permis de déterminer les facteurs les plus importants pour le bouturage de l’arganier dans les conditions marocaines (région d’Agadir) en prenant en considération des clones à fort potentiel productif. En effet, si la productivité ou tout autre caractère désirable ne constituent pas l’objectif du bouturage, il est préférable de faire recours à la multiplication sexuée qui s’est révélée nettement plus efficace que le bouturage. Tous travaux futurs relatifs à la propagation asexuée de l’Arganier devraient prendre en considération ces aspects génétiques et œuvrer à l’optimisation de l’enracinement chez les clones présentant des caractéristiques désirables. Il est tout aussi important de travailler sur les techniques d’élevage des plantules issues de bouturage pour assurer le maintien du système racinaire fonctionnel après la transplantation au champ.

Source sur Revue Marocaine des Sciences Agronomique et Vétérinaires et ficher PDF
https://www.agrimaroc.org

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