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jeudi, mars 28, 2024

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L’élevage de la génisse de race Holstein au Maroc

On présente quelques  indicateurs de performances de l’Atelier  d’élevage des génisses  de l’étable  de la société Mazaria, sise au nord ouest du Maroc. Sur les 3065 génisses nées à la date de réalisation de la présente étude, le bilan réalisé, montre une perte d’effectif par mortalité de 4.86 %, un taux de réformes de 2.12 % (free martin, croissance insuffisante, …), des  poids d’environ 40 kg à la naissance, 94 kg au sevrage de 92 jours, 434 kg à 15,4 mois et 568 kg  au postpartum.

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Avec une insémination précoce à 15.4 mois, le taux de réussite de la première insémination est de 54%  (28% pour la deuxième), l’âge moyen au premier vêlage est  25.5 mois, et la production laitière correspondante à 305 j en seconde lactation est d’environ 9000 kg. Dans les conditions d’élevage de Mazaria et dans les  limites de l’échantillon étudié, le prix de revient d’une génisse s’élève 15221 Dh.

Abstract

We present some performance indicators on the heifers rearing of the stable of Mazaria society, located at the north west of Morocco. Of the 3050 heifers born at the date of the completion of this study, the results obtained, show a loss of actual number by 4.86 % due to mortality, a reform rate of 2.12 %  (free martin, poor growth, …), a weights of approximately 94 kg at 92 days weaning, 434 kg at 15.4 months. The rate of success of first insemination was 54% (28% for the second insemination), the average age at first calving was 25.5 months, and milk production corresponding to 305 d at the second lactation was approximately 9000 kg. Under conditions of Mazaria and of the limitations of the sample studied, the cost of a heifer is 15221 Dh.

Introduction

Au Maroc, le contexte économique dans lequel évolue l’élevage laitier moderne, n’est pas fondamentalement différent de celui des autres pays à vocation laitière. Il en est de même des causes communes pour lesquelles le secteur de la production laitière est resté peu rentable. Alors que le coût de l’alimentation, qui représente environ 65 % du prix de revient du lait (ensilage, tourteaux, luzerne, CMV …), a beaucoup augmenté ces dernières années, le prix du lait lui, est resté pratiquement inchangé depuis 20 ans, malgré une offre quantitative en permanence faible par rapport à la demande exprimée du marché. Le lait ne fait pas officiellement partie de la liste des produits de première nécessité soutenus par la caisse de compensation, mais implicitement c’est l’Etat qui en fixe le prix et non les mécanismes classiques de la loi de l’offre et de la demande.

A l’instar des autres pays, au Maroc, le lait rémunéré en tant que matière première, est donc une activité sinon déficitaire, du moins à la limite du seuil de rentabilité, du fait des fortes charges incompressibles qu’exige sa production et du faible prix payé à l’éleveur. Et puisque l’Atelier du lait n’est pas très rentable, il va sans dire que c’est dans les autres ateliers annexes, en particulier l’élevage des génisses (éventuellement l’engraissement des veaux), que l’éleveur doit rechercher des compléments de marges pour assurer la durabilité du système.

En élevage laitier, les génisses sont en partie produites pour remplacer les vaches destinées à la réforme (vaches en fin de carrière, vaches à problèmes, faibles productrices), mais également pour être vendues comme génisses gestantes à des tiers en cas de surplus. Dans les deux cas, il faut une bonne génisse en mesure de répondre au besoin de l’éleveur et produite de façon économique, si l’on veut tirer de bonnes marges de cet atelier (haute productivité, longévité, faible coût de revient).

Le but de ce bulletin, est de présenter l’expérience de la société Mazaria au Maroc, en matière d’élevage des génisses de race Holstein.

Présentation du projet

L’étable appartient à la société Mazaria. Elle a été créée en 2007 à la ferme de Bargha, près de Larache, au Nord Ouest du Maroc, dans le cadre du Partenariat Etat-Privé signé entre les deux parties, en vue de remettre en valeur les fermes étatiques de l’Ex SODEA et de l’Ex SOGETA. A la date de réalisation de l’étude (Mai 2011), le nombre de têtes de race Holstein présentes dans l’étable est de 4.139 dont 2.450 vaches laitières et 1.689 génisses.

L’élevage est conduit en stabulation libre sur une superficie globale d’environ 54 ha, comprenant une aire pour les niches, 4 bâtiments en charpente métallique pour vaches et génisses, une grande salle de traite parallèle (TPA 2X40), une maternité, un centre d’alimentation, un centre d’entretien du matériel, des aires de stockage pour l’ensilage, la paille,….

Il est géré par une équipe composée d’un ingénieur, 5 techniciens, 2 inséminateurs, un agent de bureau, et environ 80 ouvriers qualifiés. Il est également encadré par 2 vétérinaires dont l’un est chargé de la biosécurité et de la reproduction, et l’autre du suivi sanitaire. De cet effectif, un technicien et 10 ouvriers sont affectés en permanence à l’Atelier des génisses alors que le reste du personnel qualifié (ingénieur, vétérinaires, inséminateurs,..), y travaille à temps partiel en fonction du besoin.

Depuis sa création, l’étable a enregistré un effectif total de naissances femelles de 3.065. Et à la date de réalisation de la présente étude, l’effectif présent sur place (hors mortalité et réforme), est de 2.623, qui se répartissent par catégories d’âge en: 535 de 0 à 3 mois, 204 de 4 à 6 mois, 122 de 7 à 9 mois, 343 de 10 à 13 mois, 485 > 14 mois, 778 en première lactation et 156 en seconde lactation. L’importance de ces effectifs reflète la répartition des vêlages aux différentes époques de l’année (vêlages pour le moment plus groupés en hiver).

Conditions de logement

En élevage bovin, logement pour la vache laitière et logement pour la génisse ont beaucoup d’exigences communes. Le bâtiment doit respecter les normes d’aération, être protégé contre les courants d’air, les fortes chaleurs et les hivers rigoureux. Il doit aussi disposer d’un nombre suffisant d’abreuvoirs, de places à l’auge, et d’une aire de couchage et d’exercice confortables. Le bâtiment doit aussi être aux normes de sécurité, doté des moyens de contention et facile à gérer.

D’une manière plus générale, pour les génisses en élevage intensif, le but est le bien être de l’animal, afin de diminuer les risques de morbidité, de mortalité néonatale, et d’assurer dès le départ une meilleure croissance de la génisse en vue d’une insémination et d’un vêlage précoces.

A Mazaria, de la naissance au sevrage, qui a généralement lieu vers 80 j, les veaux sont logés dans des niches individuelles installées en plein air. La conception et la mise en place de ces niches tient compte de la protection contre les courants d’air (installation de brise-vent synthétique), contre la pluie (extension de toiture de la niche pour protéger les seaux), et les fortes chaleurs d’été (ouvrant arrière amovible pour l’aération en été).

Les dimensions de la niche (125 x 100 x 112 cm), offrent au veau la possibilité de se mouvoir à l’aise et de se coucher de tout son long, même après trois mois d’âge. Le veau bénéficie aussi d’un espace annexe lui permettant d’exprimer son comportement social, de s’ébattre, et d’avoir un contact visuel avec ses voisins, mais sans contact physique pour éviter les risques de transmission des maladies.

De 3 à 6 mois, les vêles sont transférées dans des paddocks de transition en charpente métallique basse ayant une longueur totale de 210 m, une hauteur de 2,10 m, dotés d’abreuvoirs, d’un couloir d’alimentation commun de 1 m de large avec câble comme barre au garrot, d’un couloir raclé de 2 m et d’une aire de couchage et d’exercice de 9,5 m (les 3 couloirs sur 210 m). Les paddocks sont divisés en boxes collectifs de 10 à 40 individus, fonction de l’âge.

A partir de 6 mois, les génisses sont ensuite élevées dans des paddocks en charpente haute ouverte, répondant largement aux normes d’aération, de place à l’auge (0.70 m/tête), d’abreuvement, de couchage et d’exercice (24 m2/tête). Une grande aire d’exercice en particulier permet une meilleure expression des chaleurs et améliore les résultats de l’insémination sur chaleur naturelle.

C’est surtout durant la période néonatale 0-3 mois, qu’il faut une gestion prudente du logement pour éviter les infections d’origine environnementale. La niche doit être constamment propre. Il faut nettoyer et changer la litière une fois par semaine et, après chaque sevrage, procéder au lavage et à la désinfection des niches concernées.

Alimentation

Vêlage-Sevrage

A Mazaria, la phase colostrale dure 4 jours, avec une première buvée immédiatement à la naissance, suivie ensuite par des repas quotidiens matin et soir, en utilisant soit le lait de transition de la mère, soit le stock de colostrum congelé de la nurserie ou le mélange des deux à la fois. Au total, le veau doit ingérer au moins 10-12 litres avant de passer au lait en poudre, qui intervient à partir du 6ème jour après vêlage.

Du fait du nombre important de veaux, l’usage de distributeurs automatiques de lait (DAL) n’est pas adapté. Le lait en poudre est distribué 2 fois par jour au tracteur dans des seaux. La niche dispose de deux seaux dont l’un pour l’eau et le lait et le second pour le granulé. Le lactoremplaceur utilisé est de type standard contenant 21,6 % de protéines, 16,5 % de matières grasses brutes, 8,4% de minéraux, 0,2 % de cellulose, en plus des vitamines (A, E, D3) et des oligo-éléments. La buvée totale en L/veau/j est de 4 L la première semaine, 5 L la 2ème, 6 L la 3ème, 7 L la 4ème, 8 L de la 5ème à la 10ème semaine. Pour un sevrage autour de 80 j, un veau consomme en général environ 40-50 kg de lait en poudre, auxquels il faut ajouter 380 kg de lait frais.

A Mazaria, le granulé est utilisé à partir du 7ème jour, à des quantités progressives, fonction de l’évolution de l’appétit du veau. La consommation totale de ce produit au sevrage est en moyenne de 140 kg/veau.

Sevrage-12 mois, 12 mois- insémination, et insémination-vêlage

Du sevrage à la puberté, puis de ce stade à l’insémination, les éléments de raisonnement de la ration sont la recherche d’un GMQ élevé (> 800-900 gr/j), afin d’avoir un poids suffisant en vue d’une insémination précoce à 14-15 mois mais sans gras (note corporelle 2,75-3,5) et un poids maximum au vêlage, mais sans grand risque de dystocie. L’alimentation est de type ad libitum sous forme de ration totale mélangée, distribuée une à deux fois par jour, avec correction à postériori de l’ingestion réelle du lot, par pesée quotidienne du refus, qui ne doit pas dépasser 5 %.

Du fait du grand effectif géré et dans un souci d’efficacité du travail, la ration de base utilisée est celle des fraiches vêlées, avec correction par rajout en particulier de 2 kg /tête/j de composé concentré pour jeune bovin et 30 gr de carbonate de calcium entre 3 et 4 mois, 1,75/tête/j de concentré de 2ème âge et 60 gr de carbonate de calcium entre 5 et 12 mois.

Les produits utilisés pour satisfaire le besoin en UF, PDI, Ca, P,…de la ration sont la paille de blé, l’ensilage de maïs, le foin de luzerne, la pulpe sèche de betterave, le tourteau de soja, … en plus du complément minéral vitaminé. Le tableau 1 présente la composition exacte de la ration de base et les quantités correspondantes distribuées par catégorie d’âge: 2,6 kg/j pour les vêles en transition de 3-4 mois, 7,6 kg/j pour 5-6 mois, 10 kg pour 7-8 mois et 13,5 kg pour 8-10 mois.

A Mazaria, il est également impératif de valoriser les 4 tonnes/j de refus des vaches laitières hautes productrices. Et les génisses entre 10 et 15 mois (ou 15 mois- vêlage) sont justement la catégorie d’âge indiquée pour une telle valorisation. D’où une ration, au-delà de 10 mois, constituée de refus des vaches laitières avec enrichissement progressif modéré en énergie en fonction des besoins des stades de gestation.

Entretien et Protection sanitaire

En élevage laitier, les diarrhées sont la première cause des mortalités néonatales. Ces affections peuvent être d’origine alimentaire ou infectieuse. Au niveau de l’étable, la prévention des diarrhées blanches d’origine alimentaire exige le respect des températures de dilution de la poudre de lait (50-55°C) et éventuellement de distribution (38-40°C), la concentration indiquée par le fabricant (120-130 gr/L), et le délai de brassage afin d’obtenir une préparation homogène (5-10 mn).

Il faut aussi utiliser de l’eau potable pour le mélange, des ustensiles de service propres (cuve de mélange et de distribution, seaux, biberons) et distribuer le lait au moyen d’une cuve isotherme en cas de grands effectifs, afin de maintenir la même température de la buvée du premier jusqu’au dernier veau servi du lot.

A côté des diarrhées alimentaires, ce sont les diarrhées d’origine infectieuse qui sont les plus redoutables chez le veau durant les premières semaines. Elles sont imputées à de nombreux agents aussi bien bactériens que viraux, pouvant agir de façon isolée ou en association. Mais dans la majorité des cas, c’est la bactérie du genre E. coli qui est souvent incriminée, entrainant une diarrhée profuse souvent fatale par déshydratation et perte rapide de poids (perte de 3 kg/24h et mort du sujet en 48 h en l’absence du traitement).

Même s’il est insuffisant pour trancher, le degré de fluidité important des fèces est l’élément premier pour faire la distinction entre la diarrhée infectieuse et alimentaire. Le diagnostic doit être complété par des indications supplémentaires sur la température corporelle, le contrôle de la motricité, la présence du sang dans les fèces …

Tout ce qui fragilise le veau depuis l’état de fœtus augmente les risques de maladies néonatales. Le déficit alimentaire chez la mère durant la gestation (en énergie, en protéines, minéraux, oligo-éléments, vitamines), les difficultés de vêlage, les mauvaises conditions de logement,…sont autant de facteurs aggravants ces risques.

Chez la vache, il n’y a pas de passage d’anticorps du sang de la mère vers celui du fœtus, à travers le placenta. A sa naissance, un veau ne dispose d’aucune défense immunitaire. Et il n’a que le colostrum (immunité passive) pour se protéger provisoirement contre les agressions extérieures, le temps qu’il acquiert sa propre autodéfense (immunité active). Le veau doit ingérer au moins 4 L de colostrum dans les deux heures qui suivent et 8-10 L en 24 h. Il faut un colostrum de qualité; avec un litre de colostrum à 100 gr d’immunoglobulines, on obtient un résultat meilleur qu’avec 2 litres à 50 gr.

D’autre part, plus la buvée intervient tôt, plus l’efficacité est meilleure du fait de l’évolution du comportement de la muqueuse intestinale après vêlage (2/3 des anticorps du colostrum se retrouvent dans le sang du veau pour une administration 6 h après vêlage et seulement 7 % lorsque le veau a déjà 36 h).

D’une manière générale, à Mazaria, le dispositif de prévention sanitaire contre les maladies néonatales consiste en (1) la recherche d’un accouplement raisonné pour éviter le vêlage dystocique, (2) une alimentation équilibrée de la vache afin d’avoir un fœtus d’un poids suffisant et en bonne santé à la naissance et (3) un vêlage dans des conditions d’extrême propreté. Immédiatement après vêlage, (4) il faut dégager les voies respiratoires du veau, (5) désinfecter le cordon ombilical à la Bétadine et administrer au veau les premières buvées de colostrum au moyen d’une sonde ou d’un biberon en plastique. Et une fois transféré dans la niche, (6) le veau doit être bien entretenu et évoluer dans un environnement propre. Après sevrage, (7) la petite vêle est ensuite écornée et soumise à une surveillance vétérinaire permanente.

En matière de prévention médicale vis-à-vis des agents infectieux, le tableau des vaccinations retenu par le vétérinaire comprend la vaccination contre la brucellose, le BVD, l’IBR, les entérotoxémies et les salmonelles.

Globalement, sur l’ensemble des génisses élevées, la perte d’effectif de la naissance au vêlage par mortalité (hors morts nés), a été de 149 individus, soit 4,86 % du total. Tandis que la baisse d’effectif pour cause de réforme (free martin, infertilité, luxation, maladies diverses…) a été de 59 individus, soit 2,12 %.

Croissance

A Mazaria, on est en présence d’un système intensif avec recherche d’un bon gabarit au stade primipare précoce. La figure 1 et le tableau 2 présentent les résultats de la croissance pondérale des animaux aux différents âges de référence considérés, qui sont la naissance (N), le sevrage (S), l’insémination (In) et le vêlage (V). Bien sûr, la race Holstein n’est pas une race à viande donnant de grands poids à la naissance comme le Charolais, la limousine,…

Les pesées réalisées sur un échantillon de 479 naissances montrent une répartition très disparate du poids autour de la moyenne arithmétique de 40 kg, reflétant en partie le résultat spécifique de l’accouplement choisi, les conditions de gestation dans lesquelles a évolué la génisse (hiver, été) et les conditions sanitaires et alimentaires. Globalement, environ 2,5 % des veaux sont nés chétifs avec des poids inférieurs à 30 kg, 41 % entre 30 et 40 kg, 53,5 % entre 40 et 50 kg et 13 % avec un poids quelque peu élevé, supérieur à 50 kg.

A Mazaria, on ne dispose que de 600 niches pour abriter les veaux à la naissance, aussi bien mâles que femelles. En période de pic de vêlage, avec 20 à 30 naissances par jour, le manque de places oblige de sevrer parfois tôt les mâles, c’est-à-dire vers 60-65 jours. Mais d’une manière générale, en période allégée, le sevrage intervient vers 80 jours, voire au-delà de 100 jours. En moyenne, le poids des femelles sevrées à 92 jours est d’environ 94 kg ce qui correspond à des gains moyens quotidiens (GMQ) de 586 gr.

Du sevrage à l’âge de 6 mois, le GMQ est d’un peu plus de 700 gr, passe par son maximum entre cet âge et l’insémination (982 gr), diminue ensuite durant la gestation jusqu’au vêlage. Avec la remarque que ces derniers résultats ont été obtenus par le mètre-ruban et non par pèse bétail comme à la naissance et au sevrage.

Reproduction

A Mazaria, la gestion des génisses est organisée autour de l’idée d’une mise à la reproduction précoce à 14-15 mois en vue d’un vêlage à 24-25 mois. Les génisses sont inséminées surtout sur chaleur naturelle (observation matin et soir), mais en partie aussi sur programmes de synchronisation faisant intervenir des injections usuelles d’hormones selon des protocoles de type:

J0(GnRH) — J8(PGF) — J10(GnRH) — +16h du J11(IA)

D’autre part, inséminées plus de trois fois sans résultat, les génisses à problèmes, sont alors soumises à la saillie naturelle comme dernier recours. Cette technique, rappelons-le, présente l’inconvénient de comporter d’importants risques sanitaires.

L’insémination est réalisée sur la base des deux critères usuels de hauteur au garrot (H> 130 cm) et du poids (P >380 kg), le plus souvent apprécié en comité de tri plutôt par l’état corporel ou le ruban (note d’env. 2,75-3,25). En dépit de l’effectif élevé, l’inséminateur procède également de façon systématique au contrôle du mucus et du follicule avant d’inséminer. Le contrôle de gestation est ensuite réalisé par écographie à 28 j et confirmée par palpation à 60 j.

Outre les autres critères de productivité, correction de défauts de conformation, …, la facilité de vêlage et la prévention des vêlages dystociques, restent l’un des soucis majeurs des programmes d’accouplement raisonné de l’entreprise. D’une manière générale, les taureaux les plus utilisés sont Royal, Spirit, Air raid … Le tableaux 3 présente les résultats de la reproduction obtenus sur un lot de génisses gestantes au moment de réaliser la présente étude. Globalement, sur les 752 génisses concernées, 741 ont été confirmées gestantes, l’âge moyen de l’insémination est de 15,4 mois, celui de l’insémination fécondante (IAF) est de 16 mois, l’indice coïtal technique (ICT) est de 1,74 et l’indice coïtal économique (ICE) est de 1,80. Le taux de réussite est de 54 % pour la première IA, 28% pour la seconde IA, 9 % pour la 3ème, et 7 % pour la 4ème et plus.

La synchronisation au GPG semble donner des résultats légèrement supérieurs en 1ère IA (56 %) à l’insémination sur chaleur naturelle (53 %). Le résultat est également meilleur pour la semence conventionnelle (1ère IA de 63 %) que pour la semence sexée (43 %) quoi qu’encore au stade de l’essai pour cette dernière. En ce qui concerne la saillie naturelle, sur 19 génisses présentées aux taureaux, 6 ont été confirmées gestantes, soit un taux de réussite de 43 %, et le reste a été proposé pour la réforme.

Production laitière

Même au sein d’une même race, la production laitière est fonction de la performance propre de chaque génisse, du rang et du stade de lactation, de l’environnement, de la qualité de la conduite (alimentation, santé, ..). Les tableaux 4 et 5 résument les résultats de la production laitière des 934 génisses nées sur place et déjà en production à Mazaria, dont 778 sont en première lactation et 156 en seconde lactation.

Globalement, la production laitière standard à 305 j, est de 7.874 kg pour les primipares et 9.003 kg en seconde lactation, ce qui correspond à des moyennes journalières respectives de 25,8 et 29,5 kg/j. L’accroissement (ici 14,4 %) noté entre la première et la seconde lactation est très proche des 15 % signalés dans la littérature en Europe.

Les pics de lactation moyens notés sont de 33 kg/j en première lactation et 34 en seconde lactation. Ils ont été généralement atteints autour de 50-60ème j après vêlage, que ce soit pour les primipares ou les bipares. A l’intérieur de l’échantillon concerné, une forte variabilité existe autour de la moyenne, avec en particulier des cas à problèmes de faible performance (Pic < 25 kg, production < 5.000 kg), ou de forte production (Pic >50 kg, production > 11.000 kg).

D’autre part, dans les limites de l’échantillon étudié, la production des génisses nées localement est largement supérieure à celles de leurs mères importées des USA (514 kg) et de l’Europe (321 kg).

Pour le besoin de l’étude, dont le but est ici d’opérer des comparaisons, l’ensemble des chiffres ci-dessus a été tiré des enregistrements de l’automate de la salle de traite qui surestime la production effective collectée dans les tanks de 5-6 %. Il faut donc en tenir compte dans la pratique, même ci-ceci n’altère en rien les conclusions ci-dessus.

Coût de la génisse

Ce prix de revient, il faut bien le préciser, est un prix de toute première approximation, en raison surtout de la difficulté de trouver une clé de répartition objective et surtout précise, des multiples charges communes entre l’atelier du lait et celui des génisses. La facture d’électricité, l’amortissement du matériel commun d’alimentation, du raclage de la partie commune des bâtiments, une partie de la rémunération du personnel spécialisé en sont des exemples.

Pour réaliser les calculs, il a fallu aussi indexer la valeur de cession de la génisse à la naissance sur celle du veau mâle de même âge puisqu’au Maroc, on ne dispose pas de référentiel sur les transactions des vêles de race. Dans le contexte de l’Atelier de Mazaria, caractérisé par de l’intensif et zéro pâturage, une génisse Holstein de qualité gestante lui coûte 15.221 Dh. Les charges se répartissent entre la valeur de cession (5.000 Dh), la dépense de l’alimentation en ensilage de maïs (2.628 Dh), en poudre de lait, granulés divers, luzerne, minéraux (2.930 Dh), le logement (1.024 Dh), la santé et la reproduction (870 Dh), le personnel (716 Dh), le matériel (93 Dh), et les charges diverses (1.960 Dh). En supposant un intervalle vêlage-vêlage de 13,5 mois, un prix de vente de 25.000 Dh et une subvention de 4000 Dh (bientôt 5000 Dh), on a en principe une assez bonne idée de ce que peut laisser un atelier moderne d’élevage de génisses bien conduit dans le contexte du Maroc.

Discussion et conclusions

Le lait est l’une des filières importantes retenues par le Plan Maroc Vert pour la relance de l’agriculture. Les objectifs fixés nous paraissent très ambitieux et placent la barre très haute pour la profession en termes de production de lait (2,16 milliards de Litres en 2010 et 4,98 à l’horizon 2020). Pour les atteindre, un véritable dispositif accélérateur de progrès s’impose, compte tenu des délais impartis. Outre les problèmes de fonds, de foncier, d’infrastructure routière, des ressources humaines, des ressources en eau, … pour parvenir à ces objectifs, il faut aussi disposer du cheptel nécessaire pour l’éleveur prêt à investir dans le lait.

La Holstein est connue mondialement comme une excellente race laitière. Présente au Maroc depuis plusieurs décennies, c’est aussi une race sur laquelle l’éleveur marocain dispose déjà d’une expérience suffisante dans les différentes régions du pays (Souss, Tadla, Haouz, Gharb, Saïs). Mais ayant fermé ses frontières à l’importation pendant plusieurs années, le Maroc produit aujourd’hui peu de génisses locales de race Holstein. Et la plupart des nouveaux projets, y compris celui étudié ici, ont été peuplés par l’importation soit de l’Europe, soit des USA.

Les résultats obtenus à Mazaria, comme dans d’autres projets de même taille que nous gérons dans la zone nord (Bassita I, Bassita II ), témoignent surtout de la capacité du Maroc à mettre en place de grands élevages, d’une part pour accroitre le volume en lait, mais aussi pour produire localement des génisses de qualité à mettre à la disposition de l’éleveur.

La génisse élevée au Maroc n’a rien à envier à celle élevée ailleurs. En plus d’être déjà «acclimatée» puisque née sur place, elle est sinon meilleure, du moins aussi performante que celle pouvant être importée de l’étranger. Elevée dans de bonnes conditions, elle présente des performances remarquables de croissance et peut être inséminée à 15 mois en vue d’un vêlage précoce à 24 mois, avec des taux de réussite comparables à ceux réalisés dans les pays habitués aux grands élevages de Holstein. Avec plus de 9.000 Kg de lait produit en seconde lactation, les génisses élevées sur place ont montré une supériorité nette par rapport à leurs mères d’origine américaine et européenne.

D’autre part, il ne faut pas perdre de vue qu’à l’importation, le Maroc non seulement paie en devise, mais achète une génisse de second choix, provenant de lots ayant déjà fait l’objet de sélection de l’éleveur européen pour ses propres besoins.

Manifestement, le développement de la filière laitière au Maroc n’est pas seulement un problème d’investissement à l’amont, pour produire du lait ou des génisses, mais aussi de marge pour rentabiliser l’investissement en élevage et en faire une activité durable.

Les raisons pour lesquelles le lait est aujourd’hui peu rentable sont en partie des raisons objectives liées aux charges non compressibles de production certes (alimentation, personnel, produits vétérinaires,…). Mais la marge sur le lait est également laminée par le dysfonctionnement des mécanismes de marché pour fixer le prix, et le partage des marges réalisées entre l’éleveur et le transformateur, ce dernier étant le plus souvent accusé de profiter plus de la filière.

En attendant la mise en place de nouvelles formes de partenariat au Maroc, entre l’éleveur et l’industriel, l’intégration de l’étable à la table, où toute la marge est récupérée par l’éleveur, semble pour le moment la voix la plus indiquée pour soutenir le producteur laitier. C’est en tout cas le modèle testé avec succès depuis 25 ans dans la zone sud, pourtant plus problématique que le reste du pays à plus d’un égard: espace paysan à dominante petit élevage, insuffisance des ressources en eau, excentricité par rapport aux grands marchés du nord, …Reste maintenant à confirmer si ce modèle est extrapolable au reste du pays comme certains bureaux d’étude le proposent.

Aït Houssa A., Loultiti My A., By K., Baligh A., Chadli M., Abousir H.
Etable MAZARIA, Larache, Maroc

Activités du projet ConserveTerra

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